Combien de familles malgaches sont obligées de renoncer à des soins faute de moyens ?  Madagascar doit encore travailler sur le front de l’accès au soin.
« Aina, 5ans. Après les analyses et scanner, commencent ses séances de chimiothérapie à partir de ce jour. Le coût de ses besoins pour une séance s’élève de 220.000 ariary, si vous pouvez apporter votre contribution ». Voilà un exemple d’appel aux dons sur la page Facebook de l’ONG Compassion Madagascar, une des associations qui proposent une plateforme d’entraide pour l’accès aux soins des plus démunis.
Compassion Madagascar est spécialisée dans la santé des enfants. L'association est née en 2010 de l’indignation de la pédiatre, Elodie Ranjanoro, face à l'indifférence du système de santé sur la précarité de certains patients, alors qu’elle était en cinquième année de médecine. « La situation est tellement banale dans le pays que c’est comme si les médecins ferment les yeux lorsque des familles ne peuvent acheter des médicaments ou n’ont rien à manger à l’hôpital », explique son mari Nathanaël Rafetison, responsable au sein de l'association.
Renoncer aux soins
 « Il m’est arrivé à plusieurs reprises de voir des familles se résigner à quitter l’hôpital car elles n’arrivaient pas à réunir l’argent pour l’opération de leur proche », témoigne un chirurgien de l’hôpital Morafeno à Toamasina, qui affirme ne pouvoir rien faire face à la situation. « Notre serment nous engage à soigner tout le monde sans exception. Il n’est pas mentionné que nous devons prendre en charge financièrement les malades. C’est triste mais c’est comme cela. Les gens ne comprennent pas cela », ajoute-il, préférant garder son anonymat. Le fait que des personnes renoncent à des soins est courant à Madagascar. Cela ne concerne pas seulement les interventions chirurgicales. Il y a certaines prestations qui coûtent vraiment cher pour le portefeuille du malgache lambda, avec en point d’orgue la bête noire, le scanner.
Phase pilote
L’absence de couverture santé universelle se fait sentir. « Tout ce qui est protection sociale est dérisoire à Madagascar. Seuls les salariés du secteur formel ont droit à une couverture, ce qui n’est pas le cas de la grande majorité », souligne l’économiste de la santé, Ny Nosy Andrianirina.
Le chirurgien de l’hôpital Morafeno fait savoir qu’il existe un fonds d’équité dans les hôpitaux publics mais ce n’est pas suffisant. « L’hôpital mobilise ces fonds pour les personnes qui n’ont vraiment rien mais c’est très limité. Il n’y en a pas pour tout le monde », explique-t-il. Il indique toutefois que le service social de l’hôpital fait souvent appel à des Å“uvres caritatives pour certains cas. L’ONG Compassion Madagascar le confirme. « Ce sont les services pédiatriques d’Antananarivo et des autres régions qui nous envoient les cas. Nous lançons ensuite un appel aux dons spontané pour chaque patient. On sent une réelle volonté d’aider chez les gens. Ils le font lorsqu’ils sentent que la plateforme d’entraide est sérieuse. Il est important de mettre en place un sentiment de confiance », souligne Nathanaël Rafetison, qui déplore que l’argent récolté ne suffit pas toujours. « Dans ce cas, l’association peut aller jusqu’à acheter des médicaments à crédit », souligne-t-il. « Notre conscience nous refuse d’abandonner les patients ». Â
Le chirurgien de l’hôpital de Morafeno est d’avis qu’une couverture santé universelle est plus que jamais nécessaire. Madagascar s’est engagé sur cette voie mais le chantier entamé en 2018 est encore au stade pilote. D’après Ny Nosy Andrianirina, le principal défi d’une couverture santé universelle est la gouvernance. « En attendant, on peut dire que les associations caritatives constituent une alternative », conclut-elle.    Â