La question concernant la réduction du nombre de Sénateurs soulève les débats tant au niveau de la sphère politique qu’auprès de l’opinion publique. Pour rappel, la suppression de la chambre haute est une des promesses électorales présidentielles, le but étant de dégager son budget pour financer des projets de constructions universitaires dans les régions. Pour apporter des points d’éclaircissement, le Studio Sifaka s’est entretenu avec John Miandrarivo, chargé du programme Parlement auprès de la Fondation Friedrich Ebert.
Studio Sifaka : Quel est réellement le rôle du sénat et des sénateurs ?
John Miandrarivo : Les deux chambres parlementaires, que sont le sénat et l’Assemblée nationale, ont deux rôles communs : le rôle de législateur et le contrôle de l’exécutif.
Pour le sénat, la particularité tient au fait qu’il représente les collectivités territoriales décentralisées. Pourtant, c’est cette fonction que les sénateurs n’arrivent pas encore à proprement remplir, notamment le fait d’effectuer un rapport régulier auprès des collectivités. Cette facette de communication institutionnelle étant quelque peu floue ou invisible, il est normal que beaucoup se posent la question quant à la réelle nécessité de cette institution.
Il faut, par ailleurs, souligner qu’en termes de profil et de compétences, la majorité des sénateurs ont déjà occupé de hautes fonctions au niveau de l’État : anciens ministres, anciens ambassadeurs… Pour ceux qui sont nommés par le Président, les profils répondent également aux compétences nécessaires pour occuper de tels postes. De fait, le travail parlementaire du sénat apporte plus de qualité, de clarté et une réflexion plus approfondie concernant, entre autres, les propositions de loi. Si les députés sont plus représentatifs de leur circonscription et remontent la voix du peuple, les sénateurs apportent une dimension concernant l’impact socioéconomique ou encore culturel de chaque décision.
Vu l’importance de cette institution dans l’équilibre démocratique, la réduction du nombre de sénateurs ne comporterait-elle pas de risques ?
Suivant l’ordonnance, le nombre de sénateurs va être revu à 18, contre 63 auparavant pour les 22 régions. Moi-même je ne comprends pas, je ne sais pas quels ont été les critères qui ont permis d’aboutir à ce nombre. Mais 18 sénateurs pour 22 régions, est-ce qu’on peut encore parler de représentativité ? Par ailleurs, le sénat et l’Assemblée nationale jouent le rôle de contrepoids avec l’exécutif, et cette plateforme tripartite permet d’assurer l’équilibre démocratique.
Au départ, l’idée était vraiment une suppression de la chambre parlementaire. Mais cela devait passer par voie de référendum, et c’est cette suppression qui est plus dangereuse que la réduction dont il est aujourd’hui question. Dans le cas de la réduction, il restera encore des sénateurs et l’institution restera active. Mais après, il faut savoir que les 3/4, soit 6 sur les 18 sénateurs seront nommés par le Président et les 12 restants seront votés par les grands électeurs. Peut-on encore parler de représentativité ou de démarche démocratique, je ne peux le dire.
Réduction pour motif budgétaire, est-ce une raison plausible ?  Â
Ce qu’il faut savoir ? c’est que derrière chaque institution, il y a des administrateurs qui sont des fonctionnaires. Aussi, dire que le Sénat est budgétivore revient à affirmer que toute l’institution est budgétivore, y compris les administrateurs. Pour ce qui est du sénat, le personnel compte environ 600 candidats dont 100 assistants parlementaires. Dans le cas de la suppression du sénat, si scénario confirmé, cela reviendrait à supprimer les postes de ces 600 personnes, dont les assistants parlementaires.
Pour ce qui est de la réduction du nombre de sénateurs, il y aura une réforme au niveau de l’administration, à savoir une réduction des assistants parlementaires. Mais dans ce cas de figure, le gain au niveau du budget serait-il conséquent et permettrait-il réellement de mener les projets présidentiels ? À part, les privilèges propres des sénateurs (tickets de carburant…), est ce que la réduction du nombre de sénateurs permettrait de faire une réelle économie budgétaire ? Cela reste à voir. Â