Une publication de la police nationale informant sur l’arrestation deux administrateurs de groupes différents a jeté un froid sur le réseau social Facebook, ramenant entre autres la question de la liberté d’expression à Madagascar. Des groupes de discussion ont préféré jouer la prudence en fermant.
S’exprimer de manière digne
Un homme habitant à Toliara identifié comme étant l’administrateur du groupe « Zava-misy eto madagasikara sy Maneran-tany » a été arrêté cette semaine pour des publications sur la page. Images à caractère pornographique, propos tribalistes, insultes et diffamation de personnalités sont les faits qui lui sont incriminés, peut-on lire dans un post de la Police nationale. Une publication qui se conclut par : « La Police nationale invite les utilisateurs des réseaux sociaux à les utiliser de manière digne » (traduction en français).
« « De manière digne ». Qu’est-ce qui est digne et qu’est-ce qui ne l’est pas ? », lance un membre de la société civile qui préfère garder l’anonymat. « Le problème à Madagascar, c’est que tout est relatif. On s’en remet à des jugements personnels. Il est important de mettre en place des critères clairs », ajoute-t-il, en indiquant que toute entrave à la liberté d’expression signifie un recul de la démocratie. L’administrateur d’un groupe qui a préféré fermer souligne également le côté subjectif de la question. « Nous avons préféré arrêter car on ne sait pas ce qui peut offenser les gens », indique-t-il. Il a fermé le groupe juste après la publication de la Police nationale. « Cela n’en vaut pas la peine. Être administrateur de groupe, c’est être exposé à des risques de poursuite. Nous ne sommes pas là 24h/24, donc on ne peut contrôler tous les commentaires des gens », poursuit-elle. La Police nationale précise pourtant que les administrateurs et les modérateurs sont les premiers responsables de tout ce qui sort sur leur page. Â
C’est récent
De son côté, le député Fetra Rakotondrasoa également journaliste, estime qu’il y a une mauvaise interprétation de la loi sur la liberté d’expression à Madagascar. « Plus on est ouvert, plus il y a des dérives. Si les gens restent dans les limites de la loi, il n’y a pas de problèmes. La preuve, l’opposition a ses médias pour s’exprimer », lance-t-il. Cet élu de Miarinarivo avance que le pays est actuellement dans une transition démocratique en ajoutant que la liberté est encore récente. « Ce qui se passe en ce moment sur Facebook est normal. C’est normal si les utilisateurs sont aussi surexcités. Il relève de la responsabilité de l’Etat de temporiser », conclut-il. Le membre de la société civile explique, pour sa part, cette ferveur par une certaine frustration chez la population. « Facebook est actuellement le seul moyen de s’exprimer d’autant plus que les phonings à la radio sont encore interdits dans le contexte de situation d’urgence », précise-t-il.
Pour sa part, l’administrateur du groupe indique que c’est justement la liberté qu’il aime sur Facebook, une liberté qui, d’après lui, n’est plus permise en ce moment. « Les gens commencent à avoir peur de s’exprimer. Pourquoi ne pas directement interdire les réseaux sociaux ci c’est cela ? Cela ne sert plus à rien », lance-t-il, en précisant que ce sont les débats contradictoires qui font avancer les choses. Â