Un muret face à un tsunami. Trois vidéos clips à caractères sexuels à travers des images et ou des propos ont été censurés par le ministère de la Communication et de la Culture en un an. La réalité est que le paysage médiatique est actuellement inondé de ce genre de productions tous azimuts.
Cette semaine, le clip « Mampihintsagna Euro » de Onilahy BMS a été évincé des plateformes de partage de vidéo. La raison, les paroles porteraient atteintes aux valeurs communes malgaches, le « soatoavina » et aux bonnes mœurs, peut-on lire dans la lettre de mise en demeure adressée au chanteur. Devant les réactions qu’a suscitées la nouvelle, le directeur de la Culture Francis Razafiarison et celui de la Communication par intérim, Fetra Rakotondrasoava ont tenu une conférence de presse le 7 octobre, pour apporter des précisions. Pour ce dernier, les textes règlementaires sont clairs concernant l’interdiction de diffuser ce genre de production.
Expression artistique
Un journaliste culturel, qui préfère garder l’anonymat, affirme être étonné par la décision du ministère. Pour lui, cette chanson est une ode à la beauté du corps de la femme. « Il y a une incompréhension de l’expression artistique de l’auteur », indique-t-il. Il maintient aussi sa position sur la censure de « Sambôra amin’ny bongany » de Zukkie Kardinnal qui, d’après lui, exprime d’une façon singulière un combat des femmes dans la société. Il souligne, par ailleurs, la dimension culturelle du niveau de ce qui est acceptable et de ce qui ne l’est pas, selon les régions. Il est à noter que depuis 2019, le ministère a censuré trois chansons, la première étant « Drako hely » de Rijade.
Elan créateur
Le manager d’un artiste très en vogue actuellement affirme, de son côté, ne pas être contre le principe du ministère. Il souligne toutefois que c’est le public qui demande ce genre de produit. « Les gens veulent quelque chose de plus direct et les artistes s’adaptent à la demande », lance-t-il. Quoi qu’il en soit, il indique ne pas compter dépasser certaines limites. Concernant les clips pouvant être jugés suggestifs, comme quelques-uns des clips de son protégé, montrant des femmes dansant en maillot de bain, il explique que la réalisation des vidéos correspond au décor. « Ces clips sont tournés à la plage. Etre en maillot à la plage, c’est normal. Ce n’est pas comme si les figurantes se mettaient en maillot à Analakely », ironise-t-il, en appelant à plus de souplesse de la part des autorités. Le manager de conclure qu’une attitude trop contraignante du ministère risquerait de freiner l’élan créateur des artistes, surtout des jeunes.
Clips étrangers
D’un autre côté, le ministère affirme ne pas pouvoir tout contrôler, en appelant ainsi au discernement des auteurs. Le ministère signale, par ailleurs, une dimension éducatrice des artistes dans leurs Å“uvres, une idée que réfute Tovolah. Ce dernier ramène la question aux valeurs malgaches et aux raisons plus profondes qui ont conduit à la décadence actuelle de la société. « Tout ramener aux artistes serait réducteur. Si nous en sommes là aujourd’hui, c’est qu’il y a une succession de raisons. Les crises par lesquelles le pays est passé, l’absence d’éducation civique, les parents qui n’ont pas le temps d’éduquer correctement leurs enfants, ... », lance le rappeur du groupe Karnaz, qui réitère qu’il faut une analyse de fond du problème. Â
Les interlocuteurs ont également souligné le fait que les clips étrangers aux paroles et aux images tout aussi suggestifs passent sans problème à la télévision et sont accessibles à tout le monde sur les plateformes de partage de vidéos. A l’heure de la mondialisation, comment la Grande île entend s’adapter à la banalisation du sexe dans les médias essentiellement occidentaux ?