Rage, dégoût, honte, crainte, impuissance. Voilà les sentiments que les victimes de viol à Madagascar disent ressentir, réduites au silence par une société qui ne protège pas assez ses femmes. L’affaire se complique si l’auteur de l’agression est une personne haut placée.
Intimité des bureaux
Cette semaine, une femme, Mariana Maso, a posté une photo sur son compte Facebook avec la mention : « Le corps d'une femme n'est pas un objet dont le but est de satisfaire le plaisir masculin ». Elle dénonce notamment les abus sexuels que subissent les jeunes filles et femmes par des personnes haut placées, qu’elle qualifie de « intouchables ». Présumée victime d’une tentative d’agression sexuelle par un haut placé, il y a quelques années, elle affirme avoir décidé de faire la publication dès qu’elle a eu vent de l’histoire d’une jeune stagiaire, récemment été agressée par un haut responsable. « J’ai tourné la page mais sans oublier. Vendredi, un ami m’a envoyé un message pour me signifier qu’il avait besoin de mon aide. Une amie à lui a été violée par un haut responsable », explique-t-elle, indiquant que cette histoire lui tient particulièrement à cœur, tout en ayant une pensée pour toutes les femmes victimes de ce genre d’abus. « Je sais qu’elle n’est pas un cas isolé », lance-t-elle.
Mariana Maso affirme pouvoir parler parce qu’elle ne réside pas à Madagascar. Ce qui n’est pas le cas de cette victime qui préfère finalement ne pas porter plainte faute de preuve et de par le statut de son présumé agresseur. « Ce n’est pas le voisin d’à côté. C’est un haut responsable. C’est peut-être pour cela qu’il a osé me faire ce qu’il m’a fait car il sait que je n’ai personne pour me protéger, se plaint-elle. Un ami a proposé de m’aider à porter l’affaire en justice mais ma famille et moi, nous nous sommes ravisés. J’ai peur que si jamais je n’ai pas gain de cause, il me poursuivra pour diffamation. Je ne le supporterais pas ».
Manque de solidarité
Effectivement, une magistrate confirme qu’il est difficile de mettre un présumé violeur à Madagascar au pied du mur et le risque d’être accusée en retour de dénonciation calomnieuse est grand pour la plaignante en cas de non-lieu ou de relaxe. « La principale difficulté repose sur les preuves. Généralement, un viol se passe sans témoin. Il y a aussi le problème du consentement. Comment prouver qu’il n’y a pas eu consentement ? », indique la juge. Elle poursuit qu’à Madagascar, il n’y a pas encore les kits de viol. « C’est un ensemble d’examens effectué à l’hôpital pour déterminer s’il y a eu possibilités de viols. On recherche des traces de liquide séminal ou encore des résidus de peau entre les ongles de la victime. Pour l’heure, nous n’avons que le certificat médical établi après les faits », explique-t-elle.Â
Devant les menaces qui pèsent sur les femmes, Mariana Maso dénonce un manque de solidarité chez les femmes. « Elles ne sont pas solidaires. C’est culturel. On vit encore dans un système très paternaliste où seuls les hommes ont raison. Ce qui me désole le plus c’est que même les femmes au pouvoir n’en font pas un combat », conclut-elle, en soulignant que parler de sexe est encore tabou à Madagascar, un terreau pour l’impunité.Â
Les scandales liés au sexe sont légion dans la société malgache. A cause de la culture du silence, les faits relatés dans la presse ne sont que la partie émergée de l’iceberg. La femme magistrat qui exerce dans une localité aux alentours d’Antananarivo, souligne que les cas de viol qui lui sont rapportés sont souvent perpétrés par des proches, parfois des membres de la famille. « Il est plus facile de parvenir à une condamnation dans le cas d’une mineure. Pour les adultes, c’est une toute autre affaire », souligne-t-elle. Elle ajoute toutefois avoir été devant des faits de diffamation, les accusations d’agression sexuelle étant utilisées pour régler des comptes.     Â