Karà na (Indien), Sinoa (Chinois) et autres sont représentés dans l’imaginaire collectif malgache comme appartenant à une catégorie favorisée. Ce n’est cependant pas le cas de tous, notamment de ceux qui n’ont pas la nationalité malgache, encore moins de ceux qui ne sont d’aucune nationalité.
Victime de discrimination
Vicky, venue au monde en 1945 à Fénérive Est, caresse le rêve d’avoir la nationalité malgache. « J’aimerais bien voter un jour », lance-t-elle. Née de parents chinois, originaires de Hongkong, elle peut se consoler avec sa carte définitive de résident qu’elle vient de recevoir quelques jours plus tôt. « Cela fait un an que je n’ai pas reçu mes allocations CNaPS car ma carte de résident était expirée. J’ai essayé de la renouveler mais on m’avait dit qu’il fallait que je paie 5 millions d’ariary. Je n’ai pas cette somme », raconte Vicky, son précieux sésame entre les mains. Sa carte de résident, elle a pu l’avoir grâce à l’aide de l’association Focus Development. Cette association offre une assistance légale aux personnes étrangères et apatrides à Madagascar.
Vicky n’est pas apatride. Elle a sa nationalité chinoise, mais se considère comme malgache. « Je me considère comme malgache. Je suis née ici. Je vis ici. Je ne compte aller nulle part », indique-t-elle. Vicky n’a pas de problème avec la société. Elle déclare s’intégrer parfaitement dans le pays qu’elle affirme être le sien. Elle parle couramment malgache. C’est lors des démarches administratives que tout se complique pour elle qui signale être victime de discrimination. Contrairement aux idées reçues, tous les Chinois ne roulent pas sur l’or. Vicky a été petite main tour à tour dans une usine et pour des fabricants de lunettes.
Un droit fondamental
C’est justement pour cette catégorie de personnes que le sénateur Mourad Abdirassoul a proposé une loi qui modifie certaines dispositions du code de la Nationalité malgache. « Les gens pensent que la question concerne les karà na riches. C’est un faux débat car ces hommes d’affaires ont une nationalité, peut-être pas forcément malgache mais une nationalité, qui leur permet de faire des affaires et d’évoluer », indique-t-il. Cet élu rappelle que Madagascar a signé des traités internationaux qui visent à éradiquer l’apatridie. « La proposition de loi va dans ce sens. Avoir une nationalité est un droit fondamental », ajoute-t-il. Le juriste de l’association Focus Development Lova Razafiarison prend pour exemple la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant qui vise à assurer à chaque enfant à naître une nationalité. « Si la proposition de loi passe, les enfants d’apatrides nés à Madagascar seront considérés d’office comme Malgaches », indique-t-il.
Lova Razafiarison fait savoir que le principal problème à Madagascar concerne les apatrides dits in situ. « Ce sont des descendants sur plusieurs générations de migrants qui sont arrivés à Madagascar pour la plupart, bien avant l’indépendance. Le code de nationalité mis en place en 1960, lie la nationalité au sang. En clair, seul un enfant de parents malgaches, père et mère était considéré comme malgache », explique-t-il. C’est ainsi que beaucoup de personnes habitant la Grande île sont actuellement apatrides. « Ils ont vécu toute leur vie ici. Ils n’ont pourtant aucune attache dans le pays d’origine de leurs ancêtres », souligne-t-il.