La date du 6 novembre 1995 est tristement entrée dans l’histoire de Madagascar comme étant le jour où le « Rova », affectueusement appelé Palais de la Reine par les Malgaches, est parti en fumée sous les yeux impuissants des Tananariviens. Des habitants de la capitale racontent justement comment ils ont vécu ce moment … il y a 25 ans.
Luc avait 25 ans
Luc, 48 ans, habite à quelques centaines de mètres du côté du sud du « Rova » dans le fokontany d’Ambohipotsy. « C’était aux environs de 17 h. Il y avait un brasier juste au-dessus de nos têtes. Les gens étaient tous sortis pour voir ce qui se passait. Certains venaient même d’Ambanidia. Ils étaient montés jusqu’ici pour assister à ce spectacle désolant. C’était noir de monde. On ne pouvait pas approcher car la chaleur était insupportable. Des personnes pleuraient. Les insultes pleuvaient aussi. Elles visaient les gens qui avaient fait ça. Pour l’assistance, l’incendie ne pouvait être que criminel. Personnellement, je ne comprenais pas pourquoi on en est arrivé à brûler ce symbole d’Antananarivo, ce symbole de Madagascar. Je ne comprends toujours pas d’ailleurs … »
Aina avait 10 ans
Le Rova domine toute la ville d’Antananarivo. Le brasier était visible de très loin. Aina, 35 ans, habite à Ampitatafika, PK8 sur la RN1. Il avait 10 ans à l’époque et se souvient de cette étrange soirée qu’il avait vécue. « Le feu était impressionnant même de chez nous. Nous avons une vue dégagée sur la ville. Je me souviens de la lune. Elle était rouge. J’étais triste car je n’y étais jamais allé. Le pire c’est qu’on avait prévu de visiter le Rova durant les vacances de décembre. Ma grande sœur avait beaucoup pleuré. Elle y était allée juste la veille avec son copain ».
Thierry avait 21 ans
Thierry, 21 ans à l’époque avait aussi pleuré à la vue des flammes. Il habitait à l’époque dans le quartier de 67ha. « Je revenais du travail. J’étais rentré plus tôt car des personnes devaient venir nous présenter leurs condoléances. Finalement rien n’a pu être fait. Nous avons assisté à l’incendie depuis notre véranda. Je ne pouvais m’empêcher de laisser échapper quelques larmes. J’étais déjà allé dans le Palais de la Reine quand j’étais plus jeune ».
Richard* avait la quarantaine
A quelques encablures, à Anosy, Richard* (ndlr, nom d’emprunt pour préservation d‘anonymat), un ancien journaliste* de la Radio Madagasikara aujourd’hui retraité, se souvient avoir été tiré de son poste par ses collègues dans la rue pour voir ce qu’il qualifie de « crève-cœur ». « Au départ, je ne comprenais pas ce qui se passait. Et j’ai vu tout ce monde dehors. Tous regardaient en direction du Palais de la Reine. J’étais là , incrédule au milieu des gens. Certains pleuraient. Je me souvenais de l’ambiance politique délétère qui régnait à cette époque et je me suis demandé s’il fallait vraiment en arriver là . Des gens voulaient provoquer la guerre. Heureusement que les Malgaches ne sont pas tombé dans ce piège ».
Entre le 6 novembre 1995 et le 6 novembre 2020. La blessure a cicatrisé mais est-elle guérie pour autant ? C’est tout un symbole de l’identité de Madagascar, de son histoire, qui est parti en fumée ce soir-là dans la totale impunité car l’enquête est visiblement tombée aux oubliettes … Et vous, où étiez-vous dans la soirée du lundi 6 novembre 1995 ?