Dans chaque système managérial et dans chaque entreprise, cela se chuchote dans les couloirs. Par peur de représailles ou par peur de se faire virer, on n’émet aucun commentaire. Le harcèlement moral mène pourtant à la contre-production.
Repliées dans leur coin, n’osant pas mettre de mots dessus, les victimes ont tendance à se priver de dire ce qui leur arrive. Pourtant, avec le temps, ces « légères piques » peuvent peser, au point de devenir un boulet. S’en suivent la démotivation et la fatigue émotionnelle, menant à la contre-productivité d’une personne, de l’équipe et enfin de l’entreprise. Ne serait-ce pas une « nouvelle forme plus améliorée de l’esclavage moderne » ?
Motus et bouche cousue
Deraina, assistant en ressources humaines, affirme combien il est difficile pour une victime de décrire ce qu’elle vit. « On se tait, par peur de représailles et des oppressions qui peuvent s’en suivre ou tout simplement, par peur de perdre son emploi », souligne-t-il. De fait, selon lui, c’est aux responsables en ressources humaines de déceler les faits et gestes pouvant confirmer l’importance de l’ouverture d’une enquête. Toutefois, dans la plupart des entreprises, certains dirigeants font bloc quand il s’agit de préserver leur image, si fuite d’informations il y a.
Arielle, chef de service dans une zone franche depuis 7 ans, estime être « entre le marteau et l’enclume ». A ses yeux, les ordres qu’elle reçoit de son supérieur ne se conformeraient pas aux attributions et termes de références mentionnées dans son contrat. « Heures supplémentaires, surcharge de travail en parallèle à ses tâches, et même quelques allusions sexuelles couronnent parfois le tout », soupire-t-elle. Arielle reste cependant dubitative quant au fait de pouvoir un jour en parler. Pensant à ses 3 enfants, elle se résout à subir la pression. Pourtant, il s’agit d’une pression et suivant la personne, le seuil de tolérance peut varier. « Parfoi ? la communication non-verbale permet de mieux analyser les non-dits, en plus des preuves explicites », indique Fandresena, un jeune mentaliste.
Sous l’épée de Damoclès
S’ajoutent à cela, les menaces qui concernent le plus les femmes. Cependant il n’est pas exclu que des hommes en subissent également les pressions. Avoir le regard fuyant, se taire ou faire semblant de ne rien savoir… les victimes préfèrent cette stratégie de repli, pour au moins avoir un « semblant de paix ». Pourtant, les menaces entre dominants-dominés sont les plus courantes en entreprise, indique la psychologue, Hoby Andriamiarintsoa. Cependant, qui ne dit mot consent. « Se taire par omission, par peur ou par indifférence sur une affaire même qui ne nous concerne pas s’apparente à laisser ses collègues mourir à petit feu », soutient l’avocate, Me Narindra Andriamananony.
Selon cette dernière, cette situation recèle, dans un point de vue plus large, une certaine forme d’esclavage moderne. « Sous le joug du respect de la hiérarchie, mais surtout de la peur de se faire renvoyer, les salariés préfèrent se taire et suivre le cours sans se rebeller jusqu’à atteindre leur limite », indique-t-elle. Selon la psychologue, Hoby Andriamiarintsoa, « le dominant fait pression sur le dominé pour contrôler tant ses faits que ses gestes et s’assurer qu’il n’ait pas de réaction ». Cependant, ces menaces cachent, quelque part, la peur de voir ses mauvaises actions mises à nues. Pour éviter cela, Hanta, directrice en ressources humaines d’une entreprise comptant 6.500 salariés, conseille « le recours aux preuves tangibles ». « De nos jours, les caméras de surveillance, les appels enregistrés, les témoins oculaires peuvent tout à fait aider à signaler des actes inappropriés », d’après elle.