Il est 11h à Andraharo. Un homme est endormi sur le trottoir le long d’un mur dans la grande indifférence des passants. « Encore un qui a un peu forcé sur la bouteille », dit-on. Voir un homme affalé sur le sol est quasiment devenu banal à Madagascar, notamment à Antananarivo.
L’alternative Toaka gasy
L’alcool fait des ravages chez les petites gens. Les bars ne désemplissent pas dans les quartiers pratiquement de 8h à 21h. « Nous avions l’habitude d’ouvrir tôt le matin car nous vendions autre chose », raconte la fille d’un propriétaire d’un bar qu’on appellera Antsa. Prenant souvent la place de son père, elle indique que des clients arrivent à l’ouverture. « Ce sont des dockers ou encore des lavandières qui prennent une petite consommation avant d’aller travailler. Ils reviennent régulièrement tout au long de la journée », indique-t-elle. Il suffit en effet de quelques ariary pour avoir un verre. Dès 200 ariary, selon l’alcool, essentiellement du rhum, et de l’établissement.
Un autre barman indique toutefois que le prix de l’alcool a augmenté durant le confinement. « Le « bota » (bouteille de 35 cl) le moins cher était de 2.400 ariary. Maintenant, il coûte 4.000 ariary », informe-t-il en ajoutant que les buveurs se rabattent sur le « toaka gasy » (alcool artisanal) qui s’échange à 2400 ariary le bota.  Â
Refuge
Petit remontant pour certains, échappatoire pour d’autres, l’alcool est très présent dans les quartiers. Il y a toujours ces personnes que tout le monde connaît qui multiplient les passages dans les bars durant la journée. Ça peut être un marchand de légume, un manœuvre, un père ou une mère de famille. Pour le sociologue Tojo Razafitsima, l’alcool s’inscrit dans la société surtout dans les quartiers. « L’alcool est à la fois une cause et une conséquence des maux de la société qu’on connaît, indique-t-il. Il y a les alcooliques où boire est physiologique, mais il y a aussi les personnes qui boivent pour fuir la réalité ». Antsa le confirme. « Dans un bar, entre les personnes qui prennent du bon temps, on entend plusieurs sortes de problèmes personnels. Je pense que pour ces gens, le bar est plus un refuge, à l’abri des préjugés de l’extérieur ». Elle raconte d’ailleurs que plusieurs gars, se confient à son père surtout lorsqu’ils sont seuls.
Concernant les individus qui se retrouvent affalés sur le trottoir, Tojo Razafitsima avance qu’arrivé à un certain stade, l’image ne pose plus un problème. « La perception que ces individus ont pour leur personne n’est pas la même que pour quelqu’un qui ne boit pas. Il y a comme une acceptation de leur sort », estime le sociologue.
Tolotra Andrianalizah