Dérèglement climatique, demande en hausse. La rareté de l’eau a franchi un cap en décembre en devenant, pour la première fois, un produit spéculatif.
Bien que le sud semble s’assécher d’année en année et que l’approvisionnement d’Antananarivo devient de plus en plus incertain, Madagascar n’est pas encore un pays où l’eau devrait être problématique, si on se réfère au potentiel hydrique du pays. Paradoxal.
Une situation qui empire
« C’est la deuxième fois que j’ai vu le niveau de l’Ikopa aussi bas. La première, c’était il y a quatre ans. La deuxième c’est maintenant », lance un ingénieur hydraulicien sexagénaire. Antananarivo vit des heures sombres en matière d’approvisionnement d’eau, une situation qui empire à vue d’œil chaque année. Des quartiers entiers sont privés d’eau depuis des mois et la Jirama est visiblement dépassée par la situation. Dans ce contexte, l’annonce des coupures pour réparation cette semaine est anecdotique.
Démographie galopante
L’équation est simple. La demande est de 300.000 m³ pour une capacité actuelle est de 200.000 m³, comme le rappelle la ministre de tutelle Voahary Rakotovelomanantsoa. Des solutions d’appoint sont proposées mais pour le moment, aucune alternative sur le long terme. Parmi ces solutions, la mise en place de pas moins de 125 citernes dans les zones en difficulté. Pour renforcer le ravitaillement de ces citernes, la Jirama a reçu 3 camions-citernes.
D’après l’ingénieur hydraulicien, le cas d’Antananarivo est problématique. L’approvisionnement ne suit plus la démographie galopante. De plus, il ajoute que la situation géographique de la capitale rend difficile la recherche de source d’eau, pour la simple raison que le forage dans hauts plateaux est limité. Antananarivo puise essentiellement son eau du lac de Mandroseza, lui-même alimenté par le fleuve Ikopa. Une autre station se trouve en contre-bas du cours d’eau au biveau de Faralaza. Notre interlocuteur signale toutefois qu’à cause de la destruction de l’environnement, l’eau de l’Ikopa se charge d’alluvion. Il ajoute, par ailleurs, que le réseau de la Jirama est vétuste avec des tuyaux entartrés. La compagnie s’attèle actuellement à l’extension de la station de traitement d’eau à Mandroseza qui devrait permettre d’avoir une capacité supplémentaire de 40.000 m³.
Produits spéculatifs
La maîtrise de l’eau est un défi à Madagascar. A l’échelle nationale, la Grande île a un potentiel hydrique encore important. D’après les chiffres Aquastat de la FAO fournis par notre interlocuteur, seuls 3 % de l’ensemble de l’eau souterraine et de surface sont exploitées à Madagascar avec 13.204 milliards de mètres cube d’utilisés par an contre un volume total de 490 milliards de mètres cube. « Chaque année, des milliards de mètres cube d’eau douce sont perdus en mer, déplore l’ingénieur hydraulicien. Madagascar peine à valoriser et à mobiliser ses ressources en eau ». Il estime qu’avec des solutions d’envergure, il est possible de régler le problème d’approvisionnement en eau dans le Sud.
A 15.000 km à l’Ouest, l’eau est actuellement cotée en bourse. Depuis décembre, les contrats à terme liés à l’indice Nasdaq Veles California Water sont proposés à la principale place de marché américaine des contrats à terme, le Chicago Mercantile Exchange. Au même titre que le blé ou le pétrole, l’eau est donc maintenant un produit spéculatif. Pour beaucoup, l’eau ne sera ni plus ni moins que le pétrole du XXIème siècle.