Après une année 2020 marquée par la COVID-19, 2021 démarre dans un climat d’incertitude politique, cristallisé par les invectives que se lancent d’un côté la coalition de radios Miara-manonja de l’opposition et le Tambatra des pro-régimes. La polarisation de la presse s’intensifie, le ton se durcit.
Plutôt discrète pendant les deux premières années du mandat du président de la République, l’opposition est passée à la vitesse supérieure début 2021 en relançant le Miara-manonja. Le principe est simple. Une coalition de radios diffuse à la même heure, la même émission avec des chroniqueurs de l’opposition. Quelques jours après, les pro-régimes répliquent avec Tambatra. Le principe est le même, mais avec les idées du pouvoir. Au-delà de ces émissions radios, c’est tout le paysage de la presse malgache, tous canaux confondus, qui se retrouve polarisé.
L’ère du pluralisme
Pour la journaliste Lova Rabary, le fait qu’il est aujourd’hui possible d’écouter la voix du régime et celle de l’opposition est une avancée en soi. Elle trouve toutefois dommage la polarisation qui se dessine actuellement. « Aujourd’hui, le mérite est que l’opposition a quand même une certaine plateforme pour s’exprimer. Ce qui l’est moins, c’est que nous sommes à l’ère du pluralisme. On devrait avoir l’opportunité d’écouter le maximum d’opinions mais pas uniquement les opinions de deux bords politiques », lance-t-elle.
La présidente de l’ONG Communication-Idea-Development (CID), Mirana Razafindrazaka, confirme cette polarisation en indiquant que cela a commencé à se dessiner en 2018, à la présidentielle, mais s’est intensifiée depuis. Mirana Razafindrazaka, qui est analyste des médias pour le PEV, un Projet d’appui à la prévention et la gestion de conflits et violences potentiels liés aux élections à Madagascar, affirme toutefois que le consommateur de l’information est conscient de la situation. « On sait que les médias appartiennent à des politiciens et diffusent les idées de ces derniers, précise-t-elle. Le fait de s’unir leur permettent d’accroître leur portée ».
Consolidation de la paix
Au-delà de la polarisation, les propos relayés se durcissent progressivement, privilégiant parfois les attaques personnelles, dans une logique de surenchère perpétuelle. Lova Rabary estime que le ton employé actuellement représente un risque de radicalisation des partisans. « Les gens n’ont pas forcément la culture et l’éducation nécessaires aux médias pour savoir distinguer ce qui est de l’information, ce qui est de la communication, ce qui est de la propagande et ce qui est de la désinformation. Cela constitue un danger », explique-t-elle.
La responsabilité des journalistes
Bien qu’elle estime que le ton utilisé actuellement nuit à la crédibilité des médias, Mirana Razafindrazaka va plus loin, en indiquant craindre que cela « ne couve pas de nouvelles tensions », la diffusion se faisant à grande échelle. Elle met ainsi les journalistes au-devant de leurs responsabilités. « Normalement, les journalistes doivent modérer les propos. Ils ont été formés pour cela dans une optique de consolidation de la paix », insiste-t-elle, en déplorant que ce ne soit pas le cas aujourd’hui. « Ils servent la voix de leur patron », regrette-t-elle. Pour sa part, Lova Rabary pense que c’est dangereux si les journalistes ne jouent pas leur rôle. « Nous, journalistes, devons servir de balise. Nous devons présenter les faits tels qu’ils sont et non les biaiser », conclut-elle. Elle déplore l’absence de débat et le fait que la presse ne prenne pas le temps d’expliquer les faits. « Les médias jouent sur le sensationnel et le populisme de part et d’autre. Il y a une grosse part de responsabilité des journalistes d’apporter des explications, mais ne pas se limiter aux discours des politiques ».
Tolotra Andrianalizah