Aux images et aux mots s’ajoutent maintenant des chiffres. Un aperçu de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le Grand Sud de Madagascar ne laisse présager rien de bon pour les mois à venir dans cette zone. Il n’est plus question de mitigation depuis longtemps mais bien de sauver des vies.
« La très dure réalité prévalant dans le sud de Madagascar donnerait les larmes aux yeux aux humanitaires les plus endurcis ». Ces mots sont du directeur exécutif du Programme alimentaire mondial, David Beasley, évoquant la situation de crise qui prévaut actuellement dans cette partie de la Grande Ile. « Je n’ai jamais vu une situation comparable à celle-ci, lance justement une femme travaillant dans l’humanitaire, qui intervient dans la zone depuis trois ans. C’est très difficile de soutenir le regard hagard des bébés ou des mamans impuissantes devant la détresse. Les pleurs sans larmes ne peuvent vous laisser impassible ».
Sur le plan comptable, ce sont 1.14 millions de personnes sur les 2.7 millions du Grand Sud qui seront en insécurité alimentaire aiguë élevée (Phase 3 de l’IPC-Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire) jusqu’en septembre selon les estimations du groupe d’analystes de la FAO et du PAM. Le district le plus touché est Amboasary Atsimo avec 14.000 personnes en situation de catastrophe soit le stade le plus élevé de l’IPC, la Phase 5. « On s’attend à ce que plus de 500.000 enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë jusqu’en avril 2022, dont plus de 110.000 sont susceptibles de souffrir de malnutrition aigüe sévère et nécessitent un traitement urgent pour sauver leur vie », peut-on par ailleurs lire dans le rapport.
« Tio mena »
« Sur le terrain, ce sont des milliers d'enfants et de vieillards qui n'ont que les os sous la peau », souligne notre interlocutrice qui pointe du doigt le changement climatique. « C'est une situation qui va hélas perdurer durant les 2 années à venir. Dû au changement climatique, les réserves en eau du Grand Sud s'épuisent. Les zones de production d'Amboasary comme Tsivory sont asséchées alors qu'elles produisent chaque année du riz ou du maïs en profusion. L'absence de pluie ne permet pas de planter. Et le « tio mena » avec ses tempêtes de sable n'arrange rien. La période de soudure qui normalement ne s'étale que sur quatre ou cinq mois est devenue interminable. Presque une année entière maintenant ». Le rapport indique justement s’attendre à ce que la période de soudure commence plus tôt que d’habitude pour l’année de consommation en cours. En temps normal, cette période commence en octobre. Le rapport prévient d’ores et déjà que si aucune action n’est entreprise d’ici janvier 2022, pic de la période de soudure, un changement de phase est probable dans les districts Amboasary-Atsimo, Beloha, Tsihombe et Ampanihy Ouest qui passeraient donc en Phase 4, celui de Betroka passant en Phase 3.Â
Le rapport indique qu’une action humanitaire immédiate et urgente est nécessaire afin de sauver des vies, de réduire les déficits alimentaires et d’empêcher un effondrement total des moyens de subsistance. Voilà un énième signal d’alarme concernant la situation dans le Grand Sud de Madagascar. Gouvernement et partenaires techniques et financiers sont actuellement sur le pied de guerre pour essayer d’inverser cette tendance funeste.
Tolotra Andrianalizah