Madagascar est en feu. Ni la colère, ni l’indignation, ni les discours moralisateurs n’ont pour le moment permis d’inverser une tendance qui s’est inscrite, depuis presque toujours, de mémoire de Malgache.
« Ventre vide n’a point d’oreille ». Une fois de plus la forêt d’Ankarafantsika a brûlé. Si le feu est maintenant maîtrisé, le mal est fait. Plus de 3.000 ha sont de nouveau partis en fumée, dont 50% de forêt primaire. « Le noyau dur du parc a été touché », informe le directeur général de la gouvernance environnementale au sein du ministère de l’Environnement, Julien Noel Rakotoarisoa, dépité. Le directeur général de Madagascar National Parks (MNP), Mamy Rakotoarijaona, fustige pour sa part l’acte. « Il est inconcevable que quelques individus mus par des intérêts personnels portent ainsi atteinte à la vie de 27 millions malgaches », fulmine-t-il. Les deux responsables se sont exprimés lors d’un point de presse qui s’est tenu dans les locaux de MNP ce jour pour apporter le bilan du dernier important incendie ayant touché le parc d’Ankarafantsika. Ils font savoir que les enquêtes sont en cours pour déterminer l’origine du feu. Toutefois, ils indiquent avoir surpris un suspect qui pourrait être le pyromane. Pour l’heure, ce dernier court toujours mais les responsables déclarent que les sanctions seront exemplaires.
Crise migratoire
Mais l’essentiel est ailleurs. Tour à tour, Julien Noel Rakotoarisoa et Mamy Rakotoarijaona rappellent les conséquences néfastes des feux de forêts. Le directeur général de la gouvernance environnementale indique qu’il faut plusieurs dizaines d’années à la forêt pour se régénérer et cela s’allonge au fur et à mesure que le feu revient. « Certaines zones brûlent pratiquement tous les ans », lance Mamy Rakotoarijaona, attirant l’attention sur l’impact du phénomène sur l’hydrologie de la région où se trouve l’un des greniers à riz du pays, Marovoay. Julien Noel Rakotoarisoa d’ajouter qu’Ankarafantsika abrite sept lacs réservoirs d’eau.
Mais ni colère, ni indignation, ni discours moralisateurs, aucune réaction n’a changé cette tendance à malmener les forêts jusqu'ici. Comme pratiquement toutes les forêts de Madagascar, Ankarafantsika est sujette aux feux entre septembre et novembre, soulignent les responsables. Pour dissuader les pyromanes et réagir rapidement en cas d’incendie, 25 éléments de l’armée sont postés sur le site depuis juillet. Mais cela ne suffit visiblement pas car la surveillance de la forêt souffre d’un manque criard d’hommes et de matériel. Julien Noel Rakotoarisoa fait savoir qu’à Madagascar un agent forestier s’occupe de 300 000 ha alors que, dans d’autres pays, c’est entre 150 à 200 ha par homme. Autre problématique qui rend la lutte contre les feux plus ardue que jamais, la pression humaine sur les ressources exacerbée par une crise migratoire qui ne dit pas son nom. « La forêt est synonyme d’argent facile pour les gens entre le bois de chauffe et le charbon », admet Julien Noel Rakotoarisoa, sans compter l’extension des zones de culture. « Ventre vide n’a point d’oreille », dit-on. Â
Tolotra Andrianalizah