Mirado Rakotoharimalala est une figure montante de l’instance footballistique malgache. Il entend faire bouger les lignes, dans cet univers pour le moins macho, afin de donner plus de place aux femmes, aussi bien dans le sport que dans les décisions. Interview.
Studio Sifaka : Vous êtes vice-président du groupe de réflexion YAAN. En quoi consiste ce groupe en quelques mots ?
Mirado Rakotoharimalala : YAAN ou Young African Activists Network est un réseau panafricain de jeunes activistes, qui a été créé fin novembre 2019, à Gaborone. Le réseau est composé de plusieurs groupes de travail parmi lesquels figure le groupe sur le féminisme dont je suis le vice-président. Dans mon groupe de travail, il y a une dizaine de femmes et un seul homme. Moi. Notre présidente vient du Kenya. YAAN a été mis en place sur l’initiative de la Fondation Friedrich Ebert (FES), au Zimbabwe. 24 pays y sont représentés.
Du foot au féminisme. Pourquoi vous êtes-vous lancé dans ce combat ?
Le foot, c’est ma passion, mais il y a une anecdote par rapport à cela. Mon mentor c’est une femme, Nathalie Rabe. Elle était la présidente du marketing et de la communication, au sein de la Fédération malgache de football (FMF) à l’époque et moi, le directeur de ce département. Elle m’a beaucoup aidé, elle m’a encadré et soutenu tout au long de mon parcours dans le football international au niveau de la CAF, de la FIFA et même à la COSAFA. Par rapport aux conditions de vie sociale et professionnelle des femmes, je trouve qu’il y a un certain gap à compenser.
Je pense que le genre n’est plus un critère de sélection. A partir du moment où la personne est compétente et passionnée, on doit lui donner une chance et il y en a qui n’ont pas cette chance. Mon combat, c’est pour les filles et les femmes qui aiment le foot. Mais on peut étendre le combat dans d’autres domaines comme la politique, la culture, mais il y a un combat à mener dans la mesure où on est encore très patriarcal à Madagascar. C’est difficile pour les femmes de s’épanouir et de marquer l’histoire alors qu’elles en sont capables et les hommes doivent les soutenir en ce sens.
Quel a été le déclic pour vous ?
Le déclic, c’est vraiment Nathalie Rabe? d’autant plus que le foot est un environnement très macho.
Comment vos collègues dans le monde du foot ont pris votre engagement envers le féminisme ?
Mes collègues féminines sont ravies et rassurées du fait qu’il existe une personne bien placée dans le monde du foot qui appuie et qui soutient le foot féminin. Pour les collègues masculins, il y a toujours ce machisme. Comme je l’ai dit, c’est un combat et cela commence maintenant. On sent que les joueuses, les femmes coachs et les dirigeantes ont besoin d’aide. Actuellement, il y a une crise au sein de la FMF et on oublie totalement le foot féminin. Le responsable du foot féminin est une femme, le secrétariat général est tenu par une femme mais elles ne peuvent rien faire par rapport aux priorités des hommes. Il n’y en a que pour les Barea finalement. C’est dommage.Â
Justement, vous dites que les hommes doivent soutenir le combat. Dans votre expérience au sein du groupe de réflexion, en quoi votre présence est un plus, vu que vous êtes le seul représentant de la gent masculine ?
Psychologiquement, c’est fort pour les autres femmes. Elles trouvent que les hommes peuvent s’impliquer. Du coup, cela veut dire une certaine ouverture car dans le contexte africain, la femme est encore très marginalisée. Quand elles voient qu’il y a un homme qui les soutient, elles sont plus motivées.
Que signifie le féminisme pour vous ?
Pour moi, le féminisme est un concept qui tend vers le respect d’autrui, le respect de la diversité. Je suis contre les activités qui sont brouillonnes, trop politisées. Je suis pour le respect de chacun qu’on soit homme ou femme. Dans le féminisme, on se bat plus pour que la femme soit acceptée parce que dans certaines sociétés, la femme n’est pas une personne. Elle est un objet.
Les lignes commencent à bouger à Madagascar malgré les obstacles. Beaucoup de gens pensent cependant que cela est contraire à certaines valeurs, ne serait-ce que la polémique autour de l'ITG. Pensez-vous que la société malgache est prête à accepter l'émancipation de la femme ?
Je pense que cela va prendre du temps mais cela va venir. Déjà , je trouve que par rapport à mes collègues du continent, on est un peu plus en avance sur la question de l’émancipation de la femme. Mais à partir du moment où on commence à avoir des femmes élues maires ou députées, c’est déjà quelque chose. Toutefois, les indicateurs ne sont pas encore reluisants.
Propos recueillis par Tolotra Andrianalizah