La plupart des jeunes malgaches caressent le rêve d’aller vivre ailleurs qu’au pays. D’autres qui y ont vécu, ont fait le chemin inverse. C’est le cas des jeunes Rakotomalala qui apportent leur point de vue sur le retour au pays.
« Qu’est-ce que je ferais à Madagascar ? » Beaucoup de jeunes qui ont eu la chance d’étudier à l’étranger ne comptent pas retourner au pays. Un malgache de 37 ans, parti en France juste après son baccalauréat affirme que revenir au pays ne lui était jamais passé par la tête. Ayant trouvé un emploi fixe, il a actuellement deux enfants d’une malgache qui partage sa vision. « Il n’y a rien pour moi à Madagascar », indique-t-il. Parti en France avec sa grande sœur, il a depuis facilité la venue de sa petite sœur dans ce qui est désormais son pays de résidence. Aujourd’hui, toute la fratrie est bien installée en France. Fait marquant, ses sœurs ont également épousé des malgaches.
Ondes négatives
Tiana et Stéphanie Rakotomalala font partie des jeunes malgaches qui ont pris la décision de rentrer à Madagascar. C’est Stéphanie, 28 ans, qui a fait le chemin inverse en premier en 2018 pour intégrer l’entreprise de son père Masoala, créée 2 ans plus tôt. Pour la jeune femme, le déclic a eu lieu quand elle a passé son stage de fin d’études chez L’Oréal en communication d’influence. « Je veux rentrer parce que j’ai suffisamment appris, je veux aider mon père qui fait la même chose », explique-t-elle en faisant remarquer que des plantes utilisées par L’Oréal sont prélevées à Madagascar. Pour sa part, Tiana, 31 ans, est au pays depuis mai 2021 après avoir passé 15 ans en France. Il a évolué dans plusieurs secteurs d’activité dont la prestation de service auprès de professionnels. Avant de rentrer, il accompagnait des entrepreneurs sur les enjeux du numérique. Il est revenu au pays pour aider au développement de l’entreprise de son père dans le packaging. Ce qui l’a conduit à créer une entreprise qui propose des solutions de packaging personnalisé.
Tiana et Stéphanie s’accordent à dire que retourner à Madagascar n’est pas évident. « Madagascar n’est pas fait pour tous les gens de la diaspora », lance d’emblée le grand frère qui présidait auparavant le club Junior pour Madagascar France. « Le mot d’ordre était : il faut rentrer. Le pays a besoin de nous, le pays a besoins de nouvelles idées, mais avec plus de maturité, je vois que tout le monde n’est pas fait pour entreprendre à Madagascar. Il y a des opportunités, mais au-delà de l’opportunité, il faut se sentir appelé à revenir à Madagascar parce que les problèmes sont vraiment grandioses », déclare Tiana qui a donc lancé son entreprise il y a moins d’un an. Pour lui, il faut s’attendre à tout et n’importe quoi à Madagascar, une incertitude très présente notamment dans l’environnement des affaires. « Il est important de trouver les bonnes cordes et les bons repères pour évoluer dans cet environnement. L’accès à l’information est difficile. C’est vital de se connecter à un système qui remonte l’information. On peut être rapidement déconnecté de la réalité par rapport à ce tissu instable », ajoute-t-il. Tiana déplore ainsi que les gens de la diaspora qui reviennent à Madagascar ne se préparent pas à cette réalité et retournent en France avec des ondes négatives. « Il faut transmettre cela aux gens car il y en a qui en sont frustrés et repartent sitôt arrivés », indique-t-il.
Trop beau
Un pragmatisme partagé par Stéphanie qui appelle les jeunes de la diaspora à se poser les bonnes questions avant de rentrer. « Pourquoi Madagascar ? Pourquoi pas un autre pays ? Ce n’est pas parce que la famille est là que tout va bien se passer », lance-t-elle. Toutefois, Madagascar s’est imposé de lui-même dans sa décision. Une décision qui semble se renforcer à chaque fois qu’elle découvre un peu plus le pays. « Je voulais rentrer à Madagascar parce qu’à chaque fois que je pense cosmétique, je vois Madagascar. Madagascar pour moi est comme une pépite, le noyau de toute chose avec les plantes que prennent L’Oréal et Kerastase ici », confie-t-elle avec entrain. Stéphanie insiste sur l’importance de la motivation des candidats au retour. Elle indique qu’il faut vraiment le vouloir pour aller au-delà des aspects négatifs du pays. « Tous les jours, je me réveille avec le sentiment que Madagascar est trop beau. C’est frustrant de voir que les étrangers voient le potentiel du pays mais que nous soyons peu sensibilisés sur cette richesse. Il est important de ressentir cet appel du retour qui est une force qui aide à faire face aux différents obstacles ».
Tiana et Stéphanie indiquent néanmoins que la diaspora a beaucoup à apporter au pays dans la mesure où elle est confrontée à d’autres idées, à d’autres populations, d’autres cultures. « Cela enrichit les visions », souligne Tiana qui estime qu’il faut soutenir la diaspora dans ses actions notamment ceux qui veulent retourner. Pour lui, la diaspora est un vivier de compétences mais la décision de retourner ou non au pays revient finalement à tout un chacun.  Â
Tolotra Andrianalizah