La société civile met la pression pour que justice soit faite dans le cadre du meurtre du militant écologiste Henri Rakotoarisoa. Elle réclame la perpétuité pour les personnes qui ont commis cet acte.
« Les yeux du monde entier sont rivés sur nous ». Non ce n’est pas le président de la République qui a parlé mais le professeur Jonah Ratsimbazafy. « Ce meurtre fait parler de nous à l’international. Ca fait mal et c’est honteux. J’ai des amis à l’étranger qui suivent cette histoire », poursuit ce scientifique connu pour son engagement dans la protection des lémuriens à Madagascar. Il s’est exprimé dans le cadre d’une conférence de presse organisée par la société civile sur le meurtre du militant écologiste Henri Rakotoarisoa. C’est le président de l’Alliance Voahary Gasy Ndranto Razakamanarina qui a lu le communiqué de presse en présence de la veuve du militant de 70 ans et de ses deux fils ainsi que certains membres de la VOI (communauté de base) qu’il dirigeait.
La justice pointée du doigt
« Stoppons les criminels environnementaux et justice pour Henri Rakotoarisoa », commence le communiqué. Signé par 71 organisations de la société civile, le document est un appel à l’endroit de la justice et du gouvernement pour qu’ils prennent leurs responsabilités respectives. « Nous réclamons une application stricte de la loi. Nous savons tous que la justice est l’un des secteurs les plus touchés par la corruption. Nous appelons les dirigeants à regarder de près cette affaire et que les Velirano (engagement) sur l’environnement et la lutte contre la corruption ne soient pas de vains mots », lance Ndranto Razakamanarina. La société civile attire l’attention sur les menaces et les harcèlements qui pèsent sur les lanceurs d’alerte et les activistes environnementaux dans le pays mais également sur l’impunité des trafiquants et une amplification d’un réseau de malfaiteurs. « Tout converge vers la destruction et la spoliation des ressources naturelles de manière galopante », souligne le communiqué qui informe que 100 000 hectares de forêts par an sont détruits dans le pays depuis l’indépendance, 500 000 hectares depuis 2017. Des chiffres de Global Forest Watch.
La société civile réclame une peine exemplaire pour les auteurs du crime, avançant ni plus ni moins que la perpétuité. Elle profite de l’occasion pour lancer un énième appel pour l’adoption de la loi sur la protection des protecteurs des Droits de l’homme et des lanceurs d’alerte. Pour Ndranto Razakamanarina, l’affaire Henri Rakotoarisoa doit marquer le début de la prise de responsabilité de la justice. « Il faut que ce soit exemplaire. Si l’Etat et la justice ne prennent pas leurs responsabilités cela ne servira à rien », poursuit-il. En attendant l’application de la loi, le coordinateur du mouvement Rohy Naina Randrianrijaona évoque la mise en place d’un réseau des lanceurs d’alerte. Appelant les citoyens à prendre leurs responsabilités dans ce sens, il déclare que la société civile apporte un soutien aux personnes qui osent dénoncer à travers un accompagnement juridique et une aide sociale et économique pour celles qui sont victimes de pression. Pour sa part, Louis de Gonzague Razafimanandraibe, le président national de Tafo Mihaavo qui regroupe les VOI, indique que les associations ont bénéficié de formations sur les techniques de lancement d’alerte au niveau local. « C’est pour éviter les vindictes populaires car nous respectons la loi mais tout dépend de la justice », poursuit-il, dénonçant les relaxes à répétition des criminels environnementaux.
Les faits Â
Leader de la VOI Mialo dans le fokontany Ankazondandy Beparasy, Henri Rakotoarisoa n’en est pas à son premier fait d’armes avec les trafiquants de bois qui ont finalement eu raison de lui. Le militant a maintes fois lancé des alertes concernant des exploitations illicites dans la zone forestière entre Moramanga Manjakandriana et Andramasina. Cela lui a valu de passé cinq jour en prison pour « troubles à l’ordre public » en septembre 2021. Malgré cela, la VOI a obtenu la gestion de plus de 2 000 hectares de forêt naturelle entre les trois districts. Il a été assassiné le 1er juin alors que le processus de validation du zonage a été entamé par la direction régionale de l’environnement et du développement durable d’Alaotra Mangoro. 35 personnes se sont rendues aux autorités. 7 sont placées sous mandat de dépôt. Le reste a obtenu une liberté provisoire. Le procès devrait se tenir ce lundi 20 juin à Ambatolampy.
Tolotra Andrianalizah