Le carnaval prévu par l’ONG Bel Avenir dans le cadre du mois de la fierté les 11 et 12 juin a été annulé par la préfecture de Toliara. Il y a un an, le gouvernement est intervenu pour empêcher la tenue d’une soirée LGBT dans un bar de la capitale.
« L'ONG Bel Avenir respecte la décision des autorités OMC de la Région Atsimo Andrefana et vous annonce l'annulation des activités de sensibilisation prévues ce weekend concernant la tolérance », indique l’ONG sur sa page Facebook le 11 juin. La publication fait suite à une lettre officielle que la préfecture de Toliara a adressée à l’ONG Bel Avenir, ordonnant à cette dernière d’interdire l’évènement. « Vous n’avez pas le droit d’organiser un évènement de ce genre sans une autorisation de la préfecture », signifie la lettre. Â
« Je me doutais que cela allait être annulé, lance Emy Ga, une femme transgenre originaire de Toliara. C’est normal. Ce genre d’évènement est nouveau chez nous donc on doit s’attendre à ce que ce soit annulé ». La styliste de 23 ans estime toutefois que si les personnes de la communauté LGBT poursuivent leur combat, les autorités ne pourront plus annuler cela dans 5 ou 10 ans. En somme la société malgache n’est pas encore prête pour ce genre d’évènement. Un constat que partage un autre membre de la communauté LGBT, un gay dans la trentaine qui préfère garder son anonymat. « Les Malgaches en général ne sont pas prêts. Déjà , la priorité est de manger tous les jours, mais il y a aussi des gens de mauvaise foi qui vont dire non, mettant en avant le « soatoavina » et tout, indique-t-il. Franchement, de grands évènements durant le mois de fierté ? Ce sera peut-être dans 40 ans ».
Alliés
Concernant le « soatoavina » (valeurs), Emy Ga avance que la notion de troisième genre n’est pas nouvelle à Madagascar. « Ce que les Malgaches appellent « sarimbavy », on les appelait « sekatra » bien avant l’arrivée du christianisme. Ces personnes étaient même respectées. Ce qui est triste c’est que les Malgaches ne connaissent pas leur histoire », déplore-t-elle.
Toutefois, notre interlocuteur trentenaire fait savoir que les rendez-vous LGBT existent depuis longtemps. « Les évènements gays existent depuis belle lurette à travers des soirées ou des choses de ce genre. J’ai d’ailleurs pleins d’amis hétéros qui y vont », poursuit-il en indiquant en vouloir un peu quelque part aux organisateurs du carnaval. « C’est vrai qu’ils veulent interpeler mais le problème c’est que cela peut entrainer une chasse aux sorcières ».
En effet, au-delà de l’annulation, l’annonce de l’évènement par l’ONG Bel Avenir a été accueillie par une avalanche de commentaires hostiles dont certains étaient pour le moins haineux. Si notre interlocuteur prétend ne pas en avoir peur, il confie cependant que cela lui fait mal dans une certaine mesure. « C’est pour cela que j’essaie d’éviter autant que possible de lire ces commentaires. Et puis, on ne peut rien y faire. Répondre à ces gens-là ce serait une perte d’énergie », déclare-t-il. Pour sa part, Emy Ga indique que ces commentaires ne l’affectent pas. « Je ne suis pas facilement blessé par les commentaires haineux », lance-t-elle en soulignant que les personnes de la communauté sont prêtent à célébrer la fierté. Malgré le fait que la majorité des Malgaches ne le soient pas encore, elle soutient que la communauté peut déjà compter sur des alliés parmi les hétérosexuels. « Une ancienne étude a indiqué que 12% seraient alliés mais je pense que nous en sommes à 15% actuellement », indique-t-elle.
Tolotra Andrianalizah