Entretien avec la coordonnatrice nationale adjointe chargée des opérations de sécurisation foncière au sein du projet Casef Danielle Haingonavalona autour de la nouvelle loi sur les propriétés privées non titrées.Â
Studio Sifaka : Pourquoi une nouvelle loi sur les propriétés privées non titrées ?
Danielle Haingonavalona : Les textes qui régissent les guichets fonciers et les certificats fonciers datent de 2006. Entre temps, il y a eu des évolutions sur le plan social, économique et juridique. Le gouvernement a pris la décision de changer la loi 2006-031. Cela a abouti à une nouvelle loi en 2021, la loi 2021-016. L’application de cette loi a entrainé divers problèmes avec plusieurs complications juridiques. Il a été difficile d’exécuter cette nouvelle loi. Il y a eu plusieurs lacunes juridiques. D’un autre côté, elle a suscité beaucoup de contestations dans le pays notamment dans son élaboration. Les différents acteurs dans le secteur foncier n’ont pas été consultés. La politique foncière prévoit pourtant une gouvernance foncière inclusive avec une approche participative et inclusive même dans l’élaboration des lois. En conséquence, le ministère de l’Aménagement du territoire et des services fonciers a décidé la refonte de la loi 2021-016. Il y a donc eu une nouvelle approche avec beaucoup plus de consultations, des maires à la société civile en passant par les partenaires techniques et les élus entre autres. Toutefois, le but reste la facilitation de la délivrance du certificat foncier.
Quelles sont les grandes lignes de cette nouvelle loi sur les propriétés privées non titrées ?
Si la précédente loi exigeait qu’il fallait mettre en valeur le terrain pendant quinze ans pour pouvoir avoir le certificat foncier, la nouvelle loi a réduit ce délai à cinq ans. On a aussi privilégié les paysans qui exploitent la terre. Il y a également l’amélioration de la certification foncière massive parce que le but du ministère et des partenaires est de parvenir à deux millions de certificats délivrés jusqu’à fin 2023. La loi a dû être adoptée pour atteindre cet objectif.
Les modifications ne risquent-elles pas de remettre en cause les certificats fonciers ?
Justement. La nouvelle loi a renforcé la valeur du certificat foncier pour qu’il soit vraiment équivalent à un titre. En d’autres termes, le certificat et le titre ont actuellement la même valeur juridique. Je vous explique. Avant le certificat foncier était opposable aux tiers jusqu’à preuve du contraire. En d’autres termes, cela veut dire que le certificat pouvait être annulé si une personne n’était pas d’accord. Mais avec la nouvelle loi, le certificat est totalement opposable aux tiers. Une fois le document signé par le maire, il a la valeur d’un titre ce qui offre beaucoup plus de sécurité à son détenteur. Par conséquent, la responsabilité du maire est plus importante. Sa responsabilité est entièrement engagée avec cette signature. Même conséquence pour les districts qui font le contrôle des certificats délivrés. Tout cela contribue à renforcer la valeur du certificat foncier.
Les populations locales entrent dans le processus …
La nouvelle loi renforce la participation de la population locale dans la procédure. Ce qui veut dire que si la population locale ne confirme pas que le demandeur ait aménagé le terrain, le certificat ne lui sera pas délivré. Il y a un comité local qui confirme l’établissement et l’aménagement du terrain par le demandeur, la durée à laquelle il l’a fait, ce genre de chose. Qu’il n’y ait pas d’opposition, que tout le monde accepte. Ce n’est que quand tout le monde accepte que la procédure puisse se poursuivre. Le maire ne peut signer le certificat à tout va. Il faut la confirmation du comité composé de notables du hameau, du chef fokontany, des représentants de la commune.
En quoi l’atelier d’information sur la mise en œuvre de la nouvelle loi sur les propriétés privées non titrées qui s’est déroulé à Antsirabe est-il nécessaire ?
La nouvelle loi a été adoptée par le Parlement et est actuellement au niveau de la Haute cour constitutionnelle. A Antsirabe, on a commencé à faire connaitre aux parties prenantes les innovations juridiques apportées par la nouvelle loi. C’est une manière pour le ministère de gagner du temps dans l’atteinte des objectifs concernant la délivrance des certificats fonciers. Il est important que les acteurs soient sur la même longueur d’onde. Il faut savoir qu’une fois la loi promulguée, il faut encore la formation complète des maires et des agents des guichets fonciers entre autres. Â
Après la conférence sur l’autosuffisance alimentaire et le colloque sur le foncier, des voix se sont levées pour la distribution de terrains aux paysans. Le certificat foncier répond-il à cet appel ?
Oui, le certificat foncier est une voie pour attribuer légalement des terrains aux paysans, mais il y a plusieurs autres manières. Le ministère est justement en train de mettre en place les textes allant dans ce sens. Il y a par exemple les terrains coloniaux qui sont titrés mais sur lesquels des paysans habitent ou cultivent. Ces derniers n’en sont pas les propriétaires. Il y a plusieurs cas qui se présentent mais on ne peut distribuer les terres qu’en modifiant la loi. Sinon, nous avons le titre vert avec le ministère de l’Agriculture.
Propos receuillis par Tolotra Andrianalizah