Et si le moment était venu de considérer les entreprises à impact dans le pays ? Malgré les objectifs sociaux et environnementaux qu’elles poursuivent, ces entreprises sont taxées de la même manière qu’une entreprise traditionnelle.
Maximiser le profit. Voilà l’objectif d’une entreprise telle qu’on connait depuis presque toujours. A côté de ces entreprises traditionnelles sont apparues des entreprises où l’objectif n’est plus le profit mais l’impact sur la société et l’environnement. Ces dernières années, de nombreuses initiatives allant dans ce sens ont vu le jour à Madagascar, portées par un vent de prise de conscience mondiale. De plus en plus de jeunes entrepreneurs poursuivent des objectifs sociaux ou environnementaux à travers les entreprises qu’ils créent. Ces entreprises ne sont pourtant pas reconnues pour leur vocation sociale pour le moment. « Je paie des impôts comme une entreprise normale », avait déclaré en 2019 Julia Venn, la créatrice de FoodWise, devenu Bii, qui lutte contre le gaspillage alimentaire. En quelques mots, cette entreprise connecte les surplus de la grande distribution et des chaines de restauration entre autres aux structures qui s’occupent d’enfants défavorisés, le tout sans émission de carbone car elle s’insère dans les trajets d’une société de transport de colis et travaille avec une entreprise de coursiers à vélo.
« Quand j’ai créé FoodWise à l’EDBM (Economic development board of Madagascar), j’ai dû créer une SARLU. J’ai mis dans mon statut le souhait d’être une entreprise sociale mais l’EDBM avait dit non. Ils avaient dit que le but ne doit être que commercial », raconte Julia Venn qui est actuellement basée en Côte d’Ivoire. « A ce que je sache, il n’y a pas encore de statut pour les entreprises sociales sur le continent », ajoute-elle, Bii étant également présente au Maroc. Julia Venn pense toutefois que Madagascar est plus avancé sur le sujet parce que la Grande île est un pays où on voit beaucoup de dégâts environnementaux et aussi parce que le niveau de vie est plus faible que dans les deux autres pays. « C’est pour cela que les grandes entreprises s’engagent plus dans la RSE (responsabilité sociétale d’entreprise) et que les jeunes pousses créent plus des entreprises sociales parce qu’elles ont compris que c’est très important d’avoir un impact positif sur son environnement social et environnemental », estime-t-elle. Dans ce sens, elle avance qu’un statut d’entreprise sociale devrait inciter davantage les gens à s’engager dans le social business.
Multi-acteurs
Même son de cloche chez David Roger du cabinet Buy your Way. « Dans les pays en développement, l’Etat n’a pas les moyens de ses ambitions que ce soit humainement ou économiquement. Ce n’est pas grave parce que la société est multi-acteurs. On a parfois l’impression que tout se résout dans le secteur public mais il faut raisonner en termes de service rendu par les différents acteurs. Cela peut être une ONG ou un privé », lance David Roger. Ulrichia Rabefitiavana du cabinet Ur-CSR indique que les entreprises sociales contribuent à l’atteinte des Objectifs de développement durable. « Le statut entreprise sociale est intéressant car l’entreprise peut survenir à ses besoins grâce à son modèle économique contrairement à une association qui dépendra d’un bailleur », déclare-t-elle. Elle ajoute que le statut devrait ouvrir à des avantages notamment fiscaux mais que pour l’heure, l’Etat n’est pas enclin à accorder cela. « Les entreprises sociales participent à l’activité sociale. Ce sont des acteurs du développement mais elles sont taxées comme des entreprises normales. A court terme l’Etat considère que c’est plus un manque à gagner », déplore-t-elle.
En France, la loi relative à l’économie sociale et solidaire (ESS) adoptée en 2014 a créé le statut d’entreprise solidaire d’utilité sociale (ESUS). Ce statut est un moyen d’accéder à des financements spécifiques mais également à des réductions d’impôts. Au-delà de l’objet social, le régime ESS exige un mode de gouvernance démocratique et une gestion financière où « les bénéfices doivent être consacrés au maintien ou au développement de l’entreprise et ses réserves obligatoires sont non distribuables ». Le secteur est particulièrement dynamique en France car selon le site https://www.economie.gouv.fr/, l’ESS représente 10% du PIB, 14% de l’emploi salarié privé et regroupe environ 200 000 entreprises et structures.
Julia Venn fait remarquer qu’il y a plusieurs définitions de l’économie sociale dans le monde. « Je crois qu’il faut trouver une définition adéquate pour Madagascar pour que cela donne du sens par rapport au contexte », conclut-elle.
Tolotra Andrianalizah