Menace, intimidation, emprisonnement, meurtre, … voilà le lot quotidien des lanceurs d’alerte à Madagascar. La société civile relance son plaidoyer pour l’adoption de la loi pour la protection des défenseurs des Droits humains et des lanceurs d’alerte.
« On a mis le feu à ma maison alors que j’étais à l’intérieur », indique le journaliste scientifique Rivonala Razafison. Il est connu pour avoir dénoncé à plusieurs reprises le trafic de bois précieux qui continue de s’opérer dans le corridor Zahamena Ankeniheny du côté de Moramanga. Cette « mésaventure » qu’il qualifie de tentative de meurtre, lui est arrivée plus tôt cette année. Ce sont ses prises de responsabilité qui lui ont valu d’être la cible privilégiée de menaces en toute sorte à chaque occasion comme durant un procès dans le cadre de la saisie d’une centaine de rondin de bois en aout. « Je ne me sens pas en sécurité. Je n’ose plus marcher tout seul même chez moi à Morarano Gare », lance-t-il.
Les organisations de la société civile Alliance Voahary Gasy, Transparency international – Initiative Madagascar (TI-IM) et Indri attirent l’attention sur la situation des défenseurs environnementaux à Madagascar. « L’environnement et les ressources naturelles sont devenues l’otage d’intérêts opaques et les lanceurs d’alerte leurs victimes », indiquent ces organisations qui appellent, dans leur communiqué de presse, à l’arrêt de « l’oppression politique des lanceurs d’alerte environnementaux ». Pour elles, l’Etat a failli dans son rôle dans la protection des ressources naturelles. Elles pointent particulièrement du doigt une justice malgache complice qui semble protéger de fait les commanditaires des crimes environnementaux, « laissant présumer l’existence de collusions et de pressions favorisant l’impunité des vrais responsables ».
Loi
La société civile profite ainsi de la tenue de la COP 28 à Dubaï pour réitérer son appel pour plus de protection des défenseurs de l’environnement. Outre Rivonala Razafison, les cas de Thomas Razafindremaka et d’Angélique Razafindrazoary ont été rappelés. Le premier est un défenseur environnemental et lanceur d’alerte anti-corruption dans le sud. Il a été condamné à deux ans de prison ferme pour « escroquerie et usurpation de titre ». La dernière est une fervente défenseuse de la forêt de Vohibola. Elle a décidé cette année de médiatiser les menaces à son encontre pour se donner une certaine forme de protection, à défaut d’une loi pour la protection des défenseurs des Droits humains et des lanceurs d’alerte qui reste bloquée au parlement.
D’après les explications de TI-IM ce texte définit et reconnait l’existence des lanceurs d’alerte en général, dont les défenseurs de l’environnement. La loi prévoit également un mécanisme pour protéger et accompagner les lanceurs d’alerte. La société civile appelle ainsi les partenaires techniques et financiers de Madagascar, ne particulier la Banque mondiale, à intégrer la protection des lanceurs d’alerte parmi les conditionnalités pour l’appui budgétaire.
Les menaces reçues par Rivonala Razafison ne sont visiblement pas des mots en l’air. Tout le monde garde en tête ce qui est arrivé au militant écologiste Henri Rakotoarisoa qui s’est fait tuer en 2022 dans le même district de Moramanga. Sale temps pour les lanceurs d’alerte !
Tolotra Andrianalizah