Anita Volatsara, 29 ans, est une jeune actrice d’un secteur touristique à Madagascar durement frappé par la crise du coronavirus. Elle est à la tête d’une marque de voyage appelée Marodia. Anita livre ses impressions sur la reprise qui est en train de s’amorcer et partage ce qu’elle pense du tourisme local.
Studio Sifaka : Le tourisme a été frappé de plein fouet par la crise. Comment as-tu vécu ces derniers mois ?
Anita Volatsara : Pas facile ... Marodia a fait une chute libre, bien qu’on ait essayé de garder la page Facebook active et de rester en contact avec nos followers. Franchement, je n’étais pas du tout bien. J’ai dû consulter un psy à un certain moment. Je ne pouvais pas réaliser la situation, tellement on avait prévu de grandes choses avant le confinement.
Peux-tu développer cela ?
En décembre, Marodia est arrivé à une étape où la phase de croissance devait s’achever en 2020. Pour cette année, nous avions prévu d’étendre l’activité avec le projet Marodia Backpacker Hostel. L’immobilier était ok, on a acheté les équipements nécessaires, on a fait des installations. On était prêt à accueillir nos premiers clients ... On avait mis en ligne notre propriété sur Booking, Airbnb et Hostelworld. On avait enregistré des réservations prévues jusqu’en août. Nos premiers clients étaient supposés arriver la semaine où on a fermé nos frontières. Donc, c’était annulation sur annulation.
Qu’as-tu fait alors ?
On a dû fermer l’hostel quoique provisoirement on a pu sous-louer un local d’une pièce prévue pour la réception des réservations. Mais ce n’est pas l’esprit de l’hostel que Marodia voulait proposer. Pour 2021, on avait espéré lancer notre kit de voyage mais on a dû anticiper la production et sortir notre tout premier kit : la pochette d’embarquement Elatra.
Finalement durant le confinement, tu as pu avancer ?
J’ai beaucoup appris. Dès lors qu’on a été confiné, je me suis mise à chercher des prototypes pour les pochettes. J’ai même acheté une machine à coudre et je me suis mise à la couture en même temps. La reprise, je l’ai préparée durant le confinement. Si tout au long de l’année, je suis tout le temps en déplacement entre le nord et le sud ou Nosy-Be et Sainte marie, le confinement m’a donné l’opportunité de me poser, d’apprendre, de retravailler nos circuits, notamment ceux qu’on veut lancer plus tard pour être au taquet dès la reprise.
Justement, la reprise, comment se passe-t-elle ?
Nous avons lancé 3 voyages : Sainte-Marie, Nosy-Be et Grand-sud. On a commencé avec Sainte-Marie. C’était un vrai succès. Nos clients vont revenir pour d’autres destinations. On se prépare en force pour la croisade Grand-sud qui doit être incontournable.
Le tourisme à Madagascar s’adresse en majeure partie aux étrangers. Comment est-ce que tu t’adaptes par rapport au contexte actuel ?
Non, mes cibles demeurent les locaux, la diaspora ou peut-être les touristes étrangers qui n’ont pas un gros budget pour le tourisme de luxe. Mine de rien, la demande est toujours là malgré le confinement. Mais, il y a beaucoup de travail à faire pour le tourisme local.
A quels défis es-tu confrontée actuellement pour la reprise ?
D’abord, la plus grosse difficulté c’est la multiplication des organisateurs de voyages locaux informels qui cassent les prix. D’autre part, je ne sais pas exactement quelle image nous voulons donner au tourisme local à Madagascar. Ce qui se fait maintenant, c’est vraiment bas de gamme. Ça dévalorise nos potentiels touristiques qui sont considérés comme 5 étoiles. Les cibles locaux n’hésitent pas à s’inscrire à un voyage d’une semaine à Nosy-Be pour 300.000 ariary. Mais c’est de la misère ! Je viens de Nosy-Be et je sais de quoi je parle. On peut donner un certain standing de voyage avec un très bon rapport qualité prix. Les Malgaches méritent aussi la qualité.
Mais il y a la contrainte du pouvoir d’achat …
Madagascar est habité par 25 millions d’habitants. C’est un potentiel. Mais pour que ce potentiel soit exploitable, il est important que le pouvoir d’achat de la population augmente et du coup, il y a du travail à faire. L’Etat a une part de responsabilité dans l’affaire pour adopter une vraie politique de relance économique pour le développement du secteur privé afin de favoriser la création d’emplois.
Quelle forme le tourisme local prend-il actuellement ?
Ce qu’il faut retenir, c’est que le tourisme local qui est en train de prendre le relais actuellement favorise beaucoup le tourisme de masse.Â
Qu’y-a-t-il de mal à cela ?
Qui dit tourisme de masse dit impact négatif sur l’environnement naturel alors que la majorité des organisateurs de voyage local sont des amateurs. Ils ont appris sur le tas et n’ont pas forcément suivi des études supérieures sur le tourisme donc ne comprennent pas forcément les impacts négatifs qu’ils peuvent engendrer à travers leurs activités. Notre environnement ne supporte pas le tourisme de masse à moins qu’il y ait des alternatives pour basculer vers le tourisme responsable.