Que faut-il pour avoir une bonne soupe chinoise ? Augustin Sahivelo, l’homme derrière la maison de soupe Laïda, parle des particularités de la fameuse « soupe Tamatave ».
Que signifie la soupe chinoise pour la population de Toamasina ?
C’est une habitude chez les habitants de Toamasina de manger de la soupe en fin de journée. Si à Mahajanga on a les brochettes, à Toamasina c’est la soupe chinoise. Toamasina a un goût qui lui est particulier en termes de soupe.
Justement, c’est quoi le goût « Tamatave » ?
Cela vient des Asiatiques. Chaque chef apporte sa spécialité, mais sur le fond il y a toujours ce goût asiatique. Certains en font avec du porc, d’autres le font sans, comme ce qui est mon cas.
Peu importe l’établissement ou l’échoppe, on retrouve toujours ce goût particulier de la soupe Tamatave. Comment expliquez-vous cela ?
Il y a de nombreux restaurants qui font de la soupe à Toamasina. Il y a sûrement des gens qui ont travaillé pour certains de ces restaurants et qui ont repris les recettes mais malgré cela, chaque chef a ses spécificités. Pour ma part, je peux dire que le goût de Laïda est unique (Sourire).
Qu’est-ce qui font les arguments d’une bonne soupe chinoise ?
Il y a le bouillon et les pâtes. Pour nous, le bouillon, c’est uniquement des carcasses de poulet et des mâchoires de zébu. Pas d’exhausteur de goût comme le ve-tsin qui donne soif immédiatement après. C’est aussi mauvais pour la santé. La qualité des marmites comptent aussi je pense. Comme on dit, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Sinon, le feu dans notre cuisine ne s’est jamais éteint au cours de ses 11 dernières années. Notre foyer a toujours été actif. Par ailleurs, nous remplaçons les os tous les jours. Il ne faut pas lésiner sur les carcasses. Si le bouillon n’est pas au top, c’est pas bon ! Pour le sel, nous faisons une mise au point tous les dix couverts. Le sel qui bouille trop longtemps n’est pas bon pour la santé.
… et pour les pâtes ?
Nos pâtes sont faites maison. L’idéal c’est d’avoir une pâte qui ne soit pas molle, qui ne colle pas aux dents. Pour cela, nous avons une recette précise pour la quantité d’œuf et de farine. Il y a aussi une façon de les cuire. Les pâtes exigent beaucoup de chaleur. Il y a une température à atteindre. Une fois que c’est fait, on retire les pâtes. Il y a un temps de pose et de séchage.
Comment êtes-vous devenu chef ?
J’ai appris la cuisine. Mon avantage c’est que mon grand-père est chinois cantonnais. Je me souviens qu’il faisait des démonstrations en tournant les poissons frits à main nue. Il plonge directement ses mains dans l’huile bouillante ! Ma belle-famille a aussi fait de la soupe. Nous avions travaillé ensemble, puis je me suis spécialisé dans le sans-porc. Je me suis aguerri au fil des années pour créer ma boîte.
La soupe à Toamasina est-elle une affaire de famille ?
Oui. On peut dire qu’il y a de grandes maisons de soupe à Toamasina où la soupe est une véritable tradition familiale.
Avez-vous déjà pensé à votre succession dans les fourneaux ?
Mes enfants sont encore à l’école mais l’un d’eux, 13 ans, m’aide déjà à la cuisine. Ce que j’aimerais c’est qu’ils fassent autre chose mais c’est leur choix. Ce métier est éprouvant. Nous fermons tous les jours à 22h. On fait la désinstallation et on prépare déjà les ingrédients du lendemain. Sinon, il y a le bouillon à surveiller.. Puis il faut se lever au plus tard à 5h.
N’y-a-t-il pas une certaine rivalité entre les maisons ?
Il n’y a pas de rivalité entre nous. Nous nous réunissons souvent pour discuter des problèmes communs comme la qualité de l’eau de la Jirama. L’eau est vraiment de mauvaise qualité à Toamasina. Elle est sale. Nous changeons de filtre à eau pratiquement chaque semaine. Pourtant c’est très délicat dans la mesure où un client malade peut vous nuire une réputation en un rien de temps. Il y a aussi le prix de la farine. Nous sommes à la solde des importateurs qui font ce qu’ils veulent avec le prix.
Combien de bols de soupe par jour écoulez-vous ?
Nous ne calculons pas le nombre de bols mais ce que je peux dire c’est que nous vendons quelque 100 kg de pâte par jour.
Dernière question. Quelle est votre impression lorsque vous voyez que « soupe Tamatave » est devenu un argument de vente dans les autres villes de Madagascar ?
C’est une fierté pour nous. Cela veut dire que la soupe Tamatave est reconnue.