Adultère, violence conjugale, non contribution aux charges du ménage, abandon de foyer…ne font pas bon ménage avec le mariage. Ces motifs sont les plus fréquents et certains d’entre eux ont été suffisants aux yeux de 3.500 couples vivants à Antananarivo, pour engager une procédure de divorce auprès du tribunal d’Anosy, selon l’avocate, Me Narindra Andriamananony. Interview.
Studio Sifaka : D’après vous, qu’est-ce qui explique ces 3.500 cas de divorces en un an ?
Me Narindra Andriamananony : Par rapport aux nombres de cas sur lesquels je me suis penchée de janvier à décembre, il me semble que ce sont surtout les jeunes de moins de 40 ans qui divorcent. Il faut savoir que 70 % des cas concernent les jeunes de 20 à 40 ans. Les 30 % restants touchent ceux qui ont plus de 40 ans.
A mon avis, le jeune âge des époux ne les aide pas à arranger les choses. D’une part, il y a le manque de maturité. D’autre part, je dirais qu’il se pourrait que les époux réalisent qu’ils se sont empressés de s’être mariés et qu’ils n’ont pas réellement la notion des bases du mariage.
De plus, le confinement n’a pas arrangé la situation pour de nombreux foyers à Madagascar. Depuis le déconfinement progressif et que le tribunal a repris ses activités vers juillet, environ 2.000 cas de divorces ont été recensés. Et par rapport aux précédentes années, ce sont les hommes qui ont « déposé le bilan » alors qu’en général, ce sont les femmes qui prennent cette initiative.
Quelles sont les causes mentionnées par les concernés ?
La violence conjugale sous différentes formes et l’adultère sont cités à plus de 50 %. Il y a tout de même d’autres motifs comme les différences d’âges et de cultures, à l’instar des demandes de divorce pour les mariages mixtes, en l’occurrence, cela concerne les couples indopakistanais-malgaches et européens-malgaches. L’abandon de foyer est également courant et, depuis la pandémie, la non contribution aux charges du ménage s’est également fait ressentir.
Vous avez cité les violences conjugales comme premier motif, que faut-il faire dans ces cas de figure ?
La femme peut jouir du droit du « misintaka », à condition qu’elle réside chez un membre de sa famille mais pas chez des amis ou dans un hôtel. L’objectif de cette démarche est de quitter temporairement son domicile conjugal afin d’attendre que son mari demande à ce qu’elle regagne son foyer conjugal. Pour ne pas être accusée d’abandon de foyer, cet éloignement ne doit pas excéder deux mois.
L’homme, à son tour, a l’obligation de procéder au « fampodiana » ou la demande du retour de son épouse en présence de ses parents. Cela se fait selon la loi 2007-022 du 20 août 2007 sur le mariage et les régimes matrimoniaux, article 52.
Si la femme refuse de coopérer, cela peut constituer un motif de demande de divorce.
Quelles sont les étapes à suivre pour engager une procédure de divorce ?
Le principe de l’accord de divorce à Madagascar est particulier. Il part du principe d’une faute effectuée par l’époux ou l’épouse. S’il y a consentement mutuel de séparation mais qu’il n’y a pas de faute de part et d’autre, le divorce ne peut être accordé car le tribunal priorisera le maintien du foyer.
Si faute(s) il y a, le concerné doit procéder à la rédaction d’une requête avec des preuves, à signifier par voie d’huissier ou à enrôler directement au greffe et attendre une date donnée par le greffe pour conciliation et attendre une audience publique.
Qu’entendez-vous par preuves recevables ?
Il s’agit de tout ce qui peut constituer une faute. Échanges de messages, photos, enregistrements vocaux transcrits par acte d’huissier, documents administratifs, certificats médicaux, constats d’adultère … peuvent aider à monter un dossier. Je tiens à souligner que le divorce est rejeté par le tribunal quand les preuves sont insuffisantes ou lorsque les parties sont conciliées devant le juge.
Karine Man