Entrepreneur dans le domaine de l’audiovisuel, mais également politicien, Yvan Fabius se veut être un modèle pour la jeunesse tamatavienne.
Studio Sifaka : Vous faites partie de ces jeunes particulièrement actifs dans la ville de Toamasina. Quel regard portez-vous justement sur la jeunesse de la ville ?
Yvan Fabius : Les jeunes ont peur de prendre leurs responsabilités. On leur dit souvent qu’ils sont l’avenir. Résultat, ils ne prennent pas leurs responsabilités. On laisse cela aux aînés. C’est un réel problème. C’en est un lorsque les jeunes sont attirés par l’argent facile. On demande de l’argent aux parents pour faire des virées. Les filles, quant à elles, sortent avec des hommes riches. Puis vient la quarantaine, c’est trop tard. C’est depuis l’adolescence qu’on doit acquérir de l’expérience dans la prise de responsabilité. Mais il y a une certaine catégorie de jeunes qui veulent prendre leur avenir en main. Je mesure cela à leur présence à des conférences sur l’entrepreneuriat par exemple. Ils sont de plus en nombreux même si certains dorment (rires).
Pourquoi ce changement ?
Des modèles ont émergé en grande partie grâce au groupe Ino Maresaka Tamatave (IMT). C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous avons créé le groupe Facebook. Les jeunes n’ont plus de modèles. Lorsqu’on parle de Toamasina, on entendait toujours les mêmes noms. Il y a une citation qui dit que « si tu n’aimes pas un modèle, crées-en un autre qui te correspond ». Nous nous sommes levés pour être des modèles. Nous avons appris des leçons des anciens, mais nous avons affirmé notre identité dans notre façon d’agir où il n’est pas tout le temps question d’argent ou de népotisme.
Le fait que vous vous soyez présenté à la mairie en 2019 a-t-il apporté quelque chose ?
Lorsque je me suis présenté à la mairie, les gens étaient étonnés de voir mon âge. 34 ans, face à de vieux briscards comme Rolland Ratsiraka, un ancien député puis encore le candidat du régime. J’étais un petit jeune qui sortait de nulle part. On m’a demandé si j’avais peur … Lorsque les jeunes ont vu cela, beaucoup ont suivi la voie et ont commencé à émerger, mais plus dans l’entrepreneuriat.
Pouvez-vous illustrer vos propos ?
Durant le confinement, il y a beaucoup d’entreprises qui ont vu le jour. Je propose un service baptisé « Coup de pouce », qui propose une vidéo de promotion gratuite aux PME formelles ou informelles pour qu’elles puissent se faire connaître et être, à leur tour, un modèle. Comme quoi c’est possible d’entreprendre. Pas besoin d’être un karana, un sinoa (Chinois), un vazaha ou un gosse de riche. Avant, c’était difficile de dire aux jeunes de se lancer dans l’entrepreneuriat. La première question c’est, où est l’argent ? Maintenant, quelle est l’idée ? Aidez-nous. Je pense que si ça continue, Toamasina pourra devenir la capitale de l’entrepreneuriat des jeunes. Avant la jeunesse de Toamasina était timide. C’est pour cela qu’on a besoin des jeunes qu’on voit. Il faut montrer les réalisations. Si on ne se dévoile pas, on ne devient pas un modèle. Nous avons aujourd’hui plusieurs initiatives comme Ateriko, Zatia Kaly ou des jeunes comme Kevin Deris.Â
Et dans la société, quelle est la place des jeunes ?
C’est encore le raiamandrenisme (paternalisme) qui prévaut. Il y a eu, par exemple, des jeunes qui ont nettoyé la plage. Un groupe de lycéens qui s’appelait « Saritaka » (Bordel). Les aînés ont mal vu le nom. Le conflit de génération est bien réel. Il y a aussi une difficulté chez les aînés à partager. Il y a une pensée qui veut que la connaissance des aînés soit infuse, une connaissance qui ne peut être apprise, mais qu’on acquiert en copiant. Mais nous n’en sommes plus là , le savoir doit être transmis. Lorsque je me suis présenté à la mairie, on m’avait dit qu’il fallait demander une bénédiction auprès des notables. Je ne voulais pas mais c’est ancré. C’est même devenu une croyance.
Ino maresaka Tamatave, de groupe à association. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Ino maresaka Tamatave est un groupe Facebook créé en 2013-2014. L’idée était de faire du journalisme citoyen. Les publications devaient être accompagnées de preuves en photos ou en vidéos. Nous en sommes actuellement à 208.000 abonnés partout dans le monde. Depuis, des groupes similaires sont apparus dans d’autres villes. Nous avons créé l’association en août 2014 pour pouvoir organiser des évènements.
Propos recueillis par Tolotra Andrianalizah