Coordonnateur du Festival d’art urbain pour le compte de La Teinturerie, Tahiry Ratsimba Razanamampandry connu sous le nom de scène « X-Tah » parle de la place de l’art en général et de l’art urbain en particulier à Madagascar.Â
Studio Sifaka : Qu’est-ce que l’art urbain ?
X-tah : Pour moi, il y a deux sortes d’art urbain. Il y a celui en tant que culture urbaine et l’art qu’on emmène en ville. La culture urbaine, c’est la danse hip hop, le ragga, le punk, les graffitis, les sports de glisse, … tout ce qui est street art. Puis, il y a l’art en milieu urbain. Tu peux jouer des choses traditionnelles venant du fin fond de Tanà par exemple et dès que tu te produis en ville, c’est assimilé à de l’art urbain.
Qu’est-ce que vous avez mis en avant dans le Festival d’art urbain ?
On a mis en avant les deux parce que, déjà , on véhicule la culture urbaine avec tous les ingrédients du street art, mais on a aussi fait jouer des gens qui font du kabary par exemple et le kabary, ce n’est pas la culture urbaine comme les occidentaux la définissent. Il y a aussi l’art contemporain par exemple. Judith Manantenasoa qui est célèbre dans le milieu de la danse contemporaine a ébloui plus d’un, partout où elle s’est produite durant le festival.
La culture urbaine, où est-ce qu’on en est actuellement ?
Je ne peux pas dire qu’il s’agit de l’évolution en général, mais je peux parler du hip hop, qui est devenu un élément culturel entièrement malgache. Il fait partie intégrante de la culture des jeunes malgaches. C’est ancré dans la vie des jeunes. Sinon, on a aussi des gars qui excellent très bien dans les sports extrêmes comme les Traceurs Gasy ou encore Samy Andria avec son vélo. Je pense que la culture urbaine fait maintenant partie du paysage artistique et culturel des jeunes malgaches. Même s’il n’y a pas beaucoup d’activités qui servent de plateforme pour ces jeunes-là , ces artistes-là , ils vont faire évoluer les choses à leur manière. A chaque évènement, il y a toujours des gars de la culture urbaine qui participent. Il y a une forte demande de ces artistes-là . Mais malheureusement, il n’y a pas beaucoup de plateformes.
N’y a-t-il pas une déconstruction de ce qui a été fait au début justement par rapport à cette forte demande comme vous dites ? Je parle notamment de la musique rap.
Je ne pense pas. L’art c’est comme l’Homme. Ça évolue au fil du temps, la manière de faire, la manière de l’exprimer, la manière de le montrer. Ça a toujours évolué. Ce n’est plus comme dans les années 90. Il y a une grande différence. Le rap des années 90 est différent du rap des années 2000 et ainsi de suite jusqu’en 2020. Ça tourne autour de 30 ans minimum. Même si le rap, le hip hop ou la musique de la culture urbaine ne sont pas aussi tendances qu’avant, ils conservent toujours leur force et il y a toujours des gens qui aiment ça.
Est-ce que l’art en général a sa place en général à Madagascar ?
Pourquoi l’art n’a pas encore sa place à Madagascar ? Parce que l’art ne fait pas vivre son homme. C’est tout simple et c’est malheureux. C’est le pays. On ne peut pas vivre de l’art à Madagascar parce que déjà , on n’a pas d’école d’art. On a une école de musique mais ce n’est pas aussi connue que ça. En ce moment, le ministère ( de la communication et de la culture, ndlr) essaie d’y remédier avec le statut des artistes, en construisant des infrastructures liées à la culture. C’est en bonne voie, par contre la valorisation de l’art et de l’artiste laisse à désirer. Ce n’est pas suffisant, c’est peu par rapport à ce qui se fait à l’île Maurice ou en Afrique du sud. Ils sont à côté de nous mais ils sont déjà loin, très loin. Un pays qui ne valorise pas sa culture, c’est un pays incomplet, c’est malheureux mais c’est comme ça. Même dans la musique qui est la forme d’art la plus répandue, ce n’est pas évident. J’espère que ça va changer d’ici quelques années.
A part le divertissement, qu’est-ce que l’art peut apporter au pays ?
Je suis du même avis que les gens qui disent que l’art et la culture peuvent être un levier de développement pour un pays, parce que la culture peut être  source de revenu. La culture nous apporte aussi beaucoup d’originalité par rapport aux îles qui nous entourent. Il y a également le tourisme. Par ailleurs, on peut aussi organiser plusieurs festivals et valoriser les artistes par la même occasion. L’éducation peut également passer à travers l’art. Tout ça peut constituer une force pour un pays pour se démarquer.
Le problème n’est pas aussi dans le fait que le Malgache ne consomme pas de l’art ?
C’est un autre problème. Le Malgache lambda ne consomme que de la musique. C’est en ce sens que je parle d’éducation artistique. Comme il n’y a pas d’école d’art à Madagascar, à travers le festival, nous éduquons les gens directement dans la rue. On passe les messages. On donne accès directement aux artistes. De cette façon, les gens se cultivent petit à petit surtout sur ce qui est beau. C’est l’éducation du beau.
Un petit bilan du Festival d’art urbain ?
Nous en sommes à la septième édition. Avec la résidence artistique qu’on a organisée, c’est 15 jours d’activités en amont. Puis, il y a eu une semaine de restitution dans plusieurs quartiers de Tanà ville. Le bilan ? On est satisfait. Pas à 100%, on apprend tous les jours. Ce n’est pas encore au point, mais on essaie. Par rapport à ce qu’on a déjà fait, il y a une évolution palpable de notre part au niveau de l’organisation pour l’implication des artistes, les Å“uvres et surtout la cohésion. Cette année, c’était vraiment au top sur ce point. Â
Et pour l’accueil du public ?
Le public a répondu massivement présent à chaque fois qu’on performait dans des quartiers où il y a beaucoup d’habitants. A Ampandrana, Analamahitsy, à Antaninarenina, à chaque fois il y avait des gens de tout âge. Concrètement, il y a des gens qui se sont intéressés à l’association, par exemple en voyant les graffitis à Anlamahitsy ou à Ambohipotsy. Des gens ont demandé comment on peut devenir membre, comment on peut apprendre, … Sinon, la danse contemporaine a fait sensation. Il y a aussi les fresques murales qui font toujours mouche.