Travaillant pour L’Express de Madagascar, Mamy Mael, de son vrai nom Mamiarisoa Raelisaona a 11 ans de photojournalisme dans l’objectif. Plusieurs fois récompensé, il parle de ce métier qui a son importance dans la presse écrite.Â
Studio Sifaka : En quelques mots, qu’est-ce que le photojournalisme ?
Mamy Mael : Il y a une différence entre une simple photo et une photo de presse. Dans la presse, la photo doit être parlante. Elle doit évoquer quelque chose. La photo doit capturer un moment, relater ce qui se passe à un moment donné. Généralement dans un journal, on ne voit qu’une seule photo pour un article mais lorsqu’on couvre un évènement, on en prend plusieurs. Ensuite on choisit celle qui reflète l’angle de l’article.
Justement, quel est le rôle d’une photo dans un article ?
La photo a une importance particulière dans un article. Elle est là pour compléter l’information. Il y a des moments où la photo résume à elle seule tout ce qui est dit dans l’article. La photo est aussi la preuve tangible qui confirme la véracité d’un fait. Dans ce sens, je tiens à préciser qu’une photo de presse ne peut être retouchée, ni même recadrée. On ne peut ajouter ou ôter un élément sur la photo. C’est la photo telle qu’elle a été prise qui doit être publiée.
Donc on ne peut pas traiter la photo …
La lumière peut-être. Mais si on touche la photo, si on la recadre, il se peut qu’un élément disparaisse.Â
Qu’est-ce qui est le plus dur dans le photojournalisme ?
Il ne suffit pas prendre des clichés ici et là lorsqu’on prend une photo pour la presse. Le photojournaliste doit trouver le meilleur angle pour faire parler la photo. Il y a une bonne dose de réflexion pour repérer le meilleur endroit pour se positionner.
Comment se passe la collaboration entre le journaliste qui écrit et le photographe ?
Le journaliste demande au photographe de prendre telle ou telle photo suivant son article. Au photographe de trouver la meilleure façon de faire sortir cette demande à travers ses photos. Mais il peut arriver que le photographe capture une scène qui soit plus parlante. C’est pour cela qu’il faut réfléchir avant de prendre les clichés.
Est-ce que vous avez un style qui vous est propre, une touche personnelle ?
Oui, j’ai un style qui m’est propre mais je ne sais comment l’expliquer. Il arrive que des gens reconnaissent immédiatement les photos que j’ai prises. Puis, si on utilise une de mes photos, ça me tique directement même si je ne me souviens pas immédiatement le moment où je l’ai prise. Je reconnais mon style mais je ne sais vraiment pas comment l’expliquer. En tout cas ce que je peux dire c’est que j’essaie toujours de faire en sorte que mes clichés soient expressifs pour qu’ils aient un sens journalistiquement parlant.
Les photojournalistes sont aux premières loges lors des évènements. Est-ce que vous avez déjà couvert des échauffourées ?
Oui. J’ai couvert tous les évènements politiques de 2009 à nos jours. Il y a eu plusieurs évènements notamment en 2009. J’ai toujours essayé de les couvrir.
Quel est votre sentiment dans ces moments ? Avez-vous eu peur dès fois ?
Peur ? Je n’irais pas jusque-là . J’y étais lors de la tuerie du 7 février. Vous entendez les coups de feu avec les balles qui sifflent au-dessus de votre tête. Vous vous mettez à terre mais vous devez prendre des photos. Ca ne sert à rien de ne prendre les photos qu’après les faits. Je ne sais pas mais j’ai aimé cette sensation. J’ai eu mes photos et j’ai vécu ce moment. On essaie de toujours prendre des photos malgré le danger. Je me souviens qu’une fois à Analakely, j’étais juste au-dessous d’un militaire qui faisait des tirs en l’air. J’ai des clichés de douilles qui tombent sur ses bottes. On essaie de se protéger et de faire le travail en même temps. C’est souvent lorsque c’est fini qu’on se sent soulagé de ne pas être blessé.
Justement, lorsqu’il y a des échauffourées, où est-ce que les photographes doivent-ils se mettre ? Est-ce que le fait d’être journaliste protège dans ces cas-là  ?
Le plus sûr pour un journaliste c’est toujours de se mettre derrière les forces de l’ordre sauf si jamais les manifestants utilisent des armes à feu. D’ailleurs, il faut avoir une carte de presse pour pouvoir se ranger derrière les forces de l’ordre. Mais il y a toujours des risques que vous vous mettiez chez les manifestants ou chez les forces de l’ordre. En se mettant parmi les manifestants, on peut recevoir une balle perdue ou être asphyxié par les gaz lacrymogènes. En se mettant parmi les forces de l’ordre, on peut recevoir des jets de pierre. Ce que je fais dans ces cas c’est de repérer des échappatoires en cas de problème dès que j’arrive sur les lieux.
En tant que photojournaliste, est-ce que vous pouvez prendre tout et n’importe quoi en photo ?
Il est toujours important de demander l’autorisation aux gens avant de les prendre en photo surtout dans un endroit privé. Aujourd’hui par exemple j’ai pris une photo dans une épicerie. J’ai d’abord demandé la permission au propriétaire pour éviter les problèmes car il peut porter plainte. Sinon, il y a des règles à respecter même pour une photo dans un endroit public. Il faut par exemple qu’il y ait au moins sept personnes dans le champ. Les photojournalistes doivent connaitre ces règles.
Quel genre d’évènement rêverez-vous de couvrir dans votre carrière de photojournaliste ?
J’aimerais prendre des photos dans une zone de conflit, mais c’est difficile dans nos conditions actuelles. Nous n’avons pas les moyens. Les journalistes de la presse étrangère qui prennent ce genre de photos sont couverts. Ils sont assurés contre les risques. Mais chez nous, il n’y a que la passion pour la photo. Les gens pensent que nous avons des indemnités, des primes ou ce genre de chose mais non. Ce n’est pas comme ça à Madagascar.  Â
Propos recueillis par Tolotra Andrianalizah