C’est dans un bureau rempli de dossiers pour la passation que le président de la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme, fraîchement élu, Seth Andriamarohasina a reçu le Studio Sifaka. Ce représentant de l’ordre des journalistes au sein de la commission rempile pour un second mandat mais cette fois en tant que président. Il se réjouit du rajeunissement du bureau. Interview.
Studio Sifaka : Pouvez-vous nous rappeler en quoi consiste la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (CNIDH) en quelques mots ?
Seth Andriamarohasina : En général, la mission de la CNIDH se focalise sur la promotion et la protection des droits de l’Homme. En ce sens, elle mène des plaidoyers pour la signature des conventions sur les droits de l’Homme. Elle émet également des propositions pour mettre à jour des lois qui peuvent entraver les droits de l’Homme. Il y a aussi la participation à la vulgarisation des droits de l’Homme en milieu scolaire entre autres. Sinon, l’organe peut être saisi en cas de non-respect des droits l’Homme. La CNIDH a été mise en place par la loi 2014/007 à laquelle s’ajoute la loi 2018/028 qui fait de l’organe un mécanisme national et indépendant de prévention de la torture. Avec cette dernière loi, la CNIDH a l’autorisation d’aller dans les lieux de privation de liberté pour s’enquérir des conditions de détention.Â
Qui peut saisir la CNIDHÂ ?
La CNIDH est un organe quasi-juridictionnel, dans le sens où elle n’émet pas de jugement, ne peut appréhender des personnes mais peut par contre mener ses propres investigations, faire des recommandations, des propositions et des interpellations. Les rapports sont envoyés au Parlement à la Primature et à la présidence. Tout le monde peut saisir la CNIDH sur ce qui touche les droits de l’Homme, du droit à l’égalité devant la justice à la protection sociale. La CNIDH peut également s’autosaisir dans le sens où si elle prend connaissance d’un fait, elle peut mener une enquête d’elle-même. C’est le cas d’Antsakabary.
Combien de cas la CNIDH a-t-elle traités jusqu’ici ?
Depuis 2016, la CNIDH a déjà traité plus de 500 cas. C’est dans le foncier que la commission a reçu le plus de plaintes. Ce concerne le droit de la propriété inscrit dans l’article 17 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Il y a également les exécutions sommaires et les vindictes populaires, qui ramènent à la présomption d’innocence et au fait que nous avons abrogé la condamnation à mort en 2014. Il faut beaucoup de sensibilisation sur ce point mais pas seulement car il est également question de la proximité des forces de l’ordre. Sinon, il y a aussi quelques faits de corruption autour des forces de l’ordre. Â
N’y a-t-il pas un risque de chevauchement des missions avec les autres organes déjà en place comme le Bianco ?
Non. Des lois et des décrets délimitent le champ d’action de chacun pour qu’il n’y ait pas empiètement. La CNIDH travaille avec les organes déjà en place comme le Bianco, le PAC, la Justice, la Police ou la Gendarmerie. Chaque organe est régi par un texte règlementaire. Pour le moment, nous n’avons pas encore eu de problèmes de ce genre. Mieux, il a une certaine complémentarité entre les différents organes.
Quelle sera la particularité de cette nouvelle présidence ?
Il y a tout d’abord un rajeunissement des membres du bureau. C’est une bonne chose car cela apporte une nouvelle dynamique aux actions de la CNIDH. Si les structures sur la protection des droits de l’Homme sont en place, notre défi sera de faire en sorte que le traitement des faits ait un impact réel sur les plaignants. Nous allons donc nous pencher sur l’efficacité des actions de la CNIDH. Sinon, la première tâche sera de constituer toute l’équipe dans la mesure où les représentants de la société civile qui travaillent dans le secteur des droits de l’Homme ne sont pas encore connus.
La CNIDH est composée de 11 commissaires : un de l’Ordre des journalistes, un de l’Ordre des avocats, un de l’Exécutif, un de l’Assemblée nationale, un du Sénat, deux des sociétés civiles travaillant dans les droits de l’Homme, un dans les droits de la femme, un dans les droits des enfants et un dans les droits des personnes vivant avec un handicap. Â
Propos recueillis par Tolotra Andrianalizah