Surtout connue pour sa musique et son groupe Tarika Be, Hanitrarivo Rasoanaivo est aussi une activiste très engagée dans la préservation de la nature à Madagascar. A la tête d’une association, OP 500, elle livre son point de vue sur la situation environnementale dans le pays.
Studio Sifaka : La problématique de l’environnement ne date pas d’hier. Plusieurs acteurs travaillent sur ce front mais la situation semble empirer. D’après vous, pourquoi en sommes-nous là  ?
Hanitrarivo Rasoanaivo : Nous avons besoin de nous organiser. Le problème est que chacun mène des actions à son niveau sans cohérence aucune, sans même se connaître. C’est depuis la plateforme Alamino que les acteurs commencent à se découvrir. Il faut s’organiser sur les actions à mener. Pour ce qui est de la destruction de l’environnement, cela ne concerne pas seulement Madagascar. Le développement s’est accéléré dans une mauvaise direction. Je parle de mauvaise direction car on se focalise trop sur l’argent sans penser à la vie. Ce n’est qu’après le coronavirus au cours de ces deux dernières années qu’on a pensé à retourner vers la nature. On a pensé à prendre des plantes pour nous soigner, mais même ces plantes sont sur le point de disparaitre. On n’a pas pensé à en planter. Je pense qu’il y a une prise de conscience de l’utilité de cette nature qu’on a méprisée. Nous devons croire en la forêt.
La pauvreté est pointée du doigt comme l’élément qui accentue la pression sur l’environnement. Les personnes à lisière des forêts n’ont d’autre choix que de se servir des ressources à leur portée de main. Etes-vous de cet avis ?
C’est dans la nature humaine. La forêt était abondante auparavant. Il n’y avait pas de travail tel qu’on le définit actuellement. On prenait ce dont on avait besoin dans la forêt. Seulement, la forêt s’est amenuisée et la population s’est accrue. Les ressources se sont taries et on s’est appauvri. Avant il n’y avait pas de pauvre parce que tout ce dont on avait besoin se trouvait à notre disposition. Mais on a tout prélevé ou presque. On s’est appauvri au fil du temps. On peut avoir beaucoup d’argent mais on n’a plus de forêt. Pour moi, c’est cela la véritable pauvreté. On peut avoir beaucoup d’argent mais pas d’aliment sans produits chimiques. Parce que la terre, tout aussi appauvrie, a besoin de produits chimiques pour nous nourrir. Pour moi, c’est ce scénario-là qui caractérise la véritable pauvreté. Mais si on commence à prendre conscience qu’on a besoin de la forêt, qu’on a besoin des plantes médicinales que nous procure la forêt, cela devrait couler de source. Il ne devrait plus y avoir de personnes qu’on doit défendre de brûler la forêt ou qu’on invite à reboiser. Nous en sommes au commencement. Nous abordons le chemin de la prise de conscience.
Mais n’est-ce pas trop tard dans la mesure où Madagascar a perdu pratiquement la totalité de ses forêts primaires ? Est-ce encore réversible ?
Tout est réversible. Mais il faut une prise de décision, aussi bien de la part du gouvernement que de notre part, pour que nous puissions remettre tout en ordre. Il faut garder en tête que la nature quoi qu’il arrive, parviendra toujours à s’adapter. On ne peut pas en dire autant de nous, humains. Nous avons eu l’habitude qu’on nous serve tout sur un plateau d’argent. Il y a des animaux qui ont vécu dans les régions polaires mais qui se sont adaptés. Lorsque nous ne serons plus là , nous les humains, tout rentrera dans l’ordre. Les hommes doivent contribuer à la restauration de la nature. Une fois qu’on en a pris conscience, c’est réversible.
L’espoir est-il encore permis ?
Personnellement, je crois que l’espoir est encore permis. C’est pour cela que j’ai créé l’association OP 500 Environnement et société. Avec plusieurs jeunes, nous allons sur les collines dénudées pour reboiser. Nous y trouvons du plaisir à nous rendre compte que ce que nous faisons est réalisable. C’est très gratifiant. Mais comme je l’ai dit, cela demande une prise de conscience et une prise de décision. Il faut aussi des influenceurs qui vont dans ce sens. Nous avons commencé il y a deux ans, puis il y a eu le coronavirus. Nous avons planté jusqu’ici 120.000 plants dans des endroits sans eaux où on a pensé qu’il aurait été impossible de planter quoi que ce soit. Notre association est jeune mais quand on est décidé, ça fonctionne. On étudie le sol, on parle avec les communautés locales sur le type d’arbre qu’elles veulent, et on fait le suivi. Je fière de dire que les arbres qu’on a plantés me surpassent en hauteur actuellement.
L’association OP 500 fait partie de la plateforme Alamino qui réunit les acteurs de l’environnement à Madagascar. Hanitrarivo Rasoanaivo fait partie du comité reboisement.  Â
Propos recueillis par Tolotra Andrianalizah