Il s’appelle Gabriel Rakotoniaina. Il est à moitié malgache, à moitié suisse. Il n’a jamais vécu à Madagascar mais vient d’y lancer pas une mais trois entreprises cette année. Interview de ce technicien qui découvre non seulement l’entrepreneuriat mais aussi l’administration malgache.
Studio Sifaka : Pouvez-vous parler de votre parcours en quelques mots ?
Rakotoniaina Gabriel : Je suis métis. Mon père est malgache et ma mère est suisse . Je viens de m’installer à Madagascar. J’ai 20 ans d’expérience en procédé industriel complexe. J’ai travaillé 10 ans dans l’industrie du gaz et du pétrole comme spécialiste opération dans une raffinerie de pétrole, la dernière raffinerie en exploitation en Suisse où on raffinait 9.000 tonnes de pétrole par jour. J’ai également travaillé 5 ans comme technicien en cryogénie au CERN à Genève, l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire, dans le département technologie section cryogénie où on s’occupait des plus grosses installations cryogéniques du monde sur l’accélérateur de particules. Je suis venu à Madagascar pour apporter mon expérience et mon savoir-faire à l’industrie malgache à travers Rakotomatic Consulting.
Pourquoi ce retour à Madagascar ?
Ce n’est pas un retour. C’est un aller. Je n’ai jamais habité à Madagascar. J’ai grandi en Suisse. Je suis venu plusieurs fois en vacances à Madagascar. Je me suis rendu compte qu’il y a vraiment beaucoup de choses intéressantes, que ce soit au niveau de la matière première ou au niveau des choses qu’on trouve qui sont uniques à Madagascar. Il y a aussi la volonté de contribuer à l’évolution en apportant mes connaissances et mon savoir-faire. Par exemple, je suis en contact avec la Jirama pour le traitement des eaux. Ils m’ont demandé si je connaissais des solutions pour la désinfection de l’eau. Disons que c’est quelque chose qui me tient à cœur de pouvoir améliorer des processus à Madagascar et de ce fait, améliorer la qualité de vie des Malgaches. En somme, je veux apporter mes connaissances dans des industries qui sont en développement mais également sensibiliser à la pollution, à l’environnement et à la sécurité.
Quel a été le déclic ?
En Suisse, pour créer une entreprise comme celle-ci, les besoins d’argent sont beaucoup plus importants. A Madagascar, ça coûte quand même beaucoup moins cher de pouvoir mettre en place des choses comme ça. C’est grâce à cette opportunité que j’ai fait le choix d’essayer de développer mes activités ici à Madagascar.
On se plaint souvent de la lenteur administrative à Madagascar. Comment cela s’est passé pour vous ?
Malgré que j’aie un passeport suisse et un passeport malgache, je n’ai jamais vécu à Madagascar avant le mois d’avril. En ce sens, c’est à moi de m’adapter. Je viens de perdre mes papiers. On s’est fait voler. J’ai perdu mes chéquiers. J’ai fait le nécessaire à la banque pour bloquer. Cela fait deux jours mais on est encore en train de régler des choses. En Suisse, si vous perdez votre carte de banque ou votre chéquier, un coup de téléphone et c’est fait. Pour moi, c’est compliqué de devoir faire face à ce genre de situation. Mais c’est moi qui suis venu, je suis obligé de faire avec le système qui est ici. Seulement, l’adaptation demande des ressources. Je me suis bien énervé pendant deux jours parce qu’il fallait aller à la banque, signer des choses, pourtant il y a la FIM (Foire internationale de Madagascar). C’est notre première participation. J’ai besoin d’être présent sur le terrain. Finalement, c’était long et pénible mais disons que c’est à moi de m’adapter.
Mais vous avez lancé trois entreprises d’un coup …
C’est vrai que c’est un choix un peu ambitieux mais disons que diversifier les activités, c’est aussi voir les opportunités qui marchent. On verra par la suite comment on va pouvoir gérer et faire développer nos activités respectives et peut-être qu’on devra prioriser un choix. Donc on est encore en phase de test. On prend encore la température sur le terrain et on fera le bilan à la fin pour voir où est-ce qu’on peut mettre notre énergie et nos ressources.
Quelles sont les entreprises que vous avez lancées ?
Il y a Rakotomatic Consulting, c’est tout ce qui est industrie technique et procédés industriels. Il y a DNA Genetic avec notre slogan « Design it for new generation » qui fait des vêtements. On a une marque, Virus 2.0, qui a été créée en Suisse et qu’on est en train de déposer à Madagascar. La troisième entreprise, c’est Amada DNA qui est une société qui va exporter des huiles essentielles et de la vanille de Madagascar. On y a aussi intégré l’artisanat malgache. Comme je viens de la Suisse et que je connais bien la Suisse, on vise le marché suisse, dans un premier temps. On verra si on peut aller à l’international. On prend le pouls et la température parce qu’il y a beaucoup de démarches administratives avec les différents ministères. On doit se familiariser avec tout ça. Je ne suis pas entrepreneur, je suis technicien. Je viens de l’industrie. J’ai toujours été employé par un patron et là j’ai changé de fonction. Aujourd’hui, je suis directeur de mes trois sociétés et je suis en phase d’apprentissage.
Combien de temps cela vous a-t-il pris ?
Nos sociétés sont officiellement nées au mois de juillet. Ça nous a pris deux mois, quasiment à plein temps, avec mon équipe pour faire toute la partie administrative. Ce n’est pas ma spécialité l’administratif mais on est là maintenant. On essaie de trouver nos marques et de nous faire une place.
Propos recueillis par Tolotra Andrianalizah