La poliomyélite qu’il a contractée quand il était enfant lui a affaibli l’une de ses jambes. Cela ne l’a pas empêché d’avoir de l’ambition. Sitraka Alban Nomenjanahary, 28 ans, voit grand après la formation qu’il a suivie dans le cadre d’un projet financé par le Japon, mis en œuvre par le ministère de la Population et le ministère de l’Enseignement technique avec l’appui du FNUAP. Entretien avec ce grand sportif qui veut faire avancer les mentalités concernant les personnes en situation en handicap.
 Studio Sifaka : Parlez-nous de la formation que vous avez suivie ?
Sitraka Alban Nomenjanahary : Cela a duré vingt jours. La formation s’est déroulée au Centre national de la formation professionnelle des personnes handicapées (CNFPPH). On avait appris des choses nouvelles. Il y avait de la soudure et de l’électronique. Puis on a fabriqué des béquilles, des fauteuils roulants, des cannes blanches et des cannes blanches avec détecteur. C’est ma mère qui m’a incité à suivre la formation. Elle m’a convaincu. L’objectif de la formation est d’autonomiser les personnes en situation de handicap.
Avez-vous assemblé les fauteuils roulants ?
On a créé les pièces. La base d’un fauteuil roulant, c’est le cadre, puis il y a le capitonnage, les pneus les jantes et les mains courantes. On n’a eu à acheter que les jantes et les pneus. C’étaient des roues avant de vélo. Le reste, on a entièrement conçu. Le plus dur c’était de couder les tubes métalliques. J’ai réussir à fabriquer deux fauteuils. Personne ne produit encore les appareils pour les personnes avec un handicap à Madagascar. Nous sommes les premiers à le faire. Le CNFPPH en fait mais c’est uniquement pour le centre.
Parlez-nous de la canne blanche avec détecteur.
A l’étranger, on utilise la canne avec détecteur depuis longtemps. La conception de la canne fait partie de la formation. C’était assez difficile au départ mais on l’a fait. Le système se base sur Arduino (une carte électronique équipée d'un micro-contrôleur qui permet la détection avec une interface programmable).
Avez-vous conçu le détecteur aussi ?
Oui, sur la base d’Arduino. Pour faire court, le dispositif émet un ultra son qui sera capté par la carte. On insère ensuite un programme que le détecteur vibre devant un obstacle. On s’est beaucoup concerté durant la conception. Une fois que le produit était prêt, un non-voyant l’a pris en main et a affiché une certaine satisfaction.
Quelle sera la suite pour vous ?
On nous a donné des kits de démarrage. Chaque groupe compte ouvrir un atelier. Il y a eu vingt participants subdivisés en quatre groupes de cinq. J’insiste sur le fait qu’on ne devrait plus importer des appareils pour les personnes en situation de handicap. On peut en faire sur place. Cela permet également de donner du travail à des gens comme nous. Sinon, on envisage de faire de l’ouvrage métallique pour élargir notre affaire.
Vous êtes très sportif. Qu’est-ce que le sport vous apporte ?
Les personnes avec un handicap sont comme tout le monde. Elles ont besoin de faire du sport ne serait-ce que pour la santé. Les personnes handicapées qui ne font pas de sport se fatiguent rapidement. Certaines personnes pensent que les personnes handicapées ne peuvent pas faire du sport. C’est faux. C’est très important.
Vous sentez-vous exclu de la société à cause de votre handicap ?
Je pense qu’il faut beaucoup de sensibilisation. Il faut que les gens sachent que les personnes avec un handicap ont des droits. C’est la base de l’inclusion. Une fois, j’ai eu des papiers à faire dans un bureau de la police. J’avais demandé à un policier de pouvoir me garer plus près du bâtiment (il est à moto, ndlr). Il n’avait pas accepté. J’avais dû me garer comme tout le monde.
Qu’en est-il de l’accessibilité au niveau des bâtiments administratifs à Madagascar ?
Il y a encore très peu de bâtiments qui prennent en compte l’accessibilité pour les personnes avec un handicap. Ne serait-ce que pour le ciment dans la salle où on avait remis les attestations. C’était glissant. Pour les toilettes publiques, il y a ce souci de l’accessibilité mais les personnes avec un handicap doivent faire la queue comme tout le monde. Il y a ce genre de petites choses aussi.
Concernant l’embauche des personnes en situation de handicap. Pensez-vous que l’imposition de quota pourrait être une solution à Madagascar ?
Les personnes qui ont un handicap dans la capitale ont pour la plupart fait des études après le baccalauréat mais elles n’arrivent pas à trouver un travail. Certains sont obligés de mendier ou vont dans l’informel comme mon cas. Je suis marchand de rue. Imposer un quota peut être une bonne chose comme ce qui se fait à l’étranger. Nous pouvons travailler comme les personnes valides. La preuve, nous avons réussi à fabriquer dix fauteuils roulants, vingt béquilles et vingt cannes avec détecteur, le tout en vingt jours.
Propos recueillis par Tolotra Andrianalizah