Hony Radert, la secrétaire générale du Collectif des citoyens et des organisations citoyennes (CCOC), rappelle pourquoi il est important pour le citoyen de s’intéresser à la Loi de finances. Interview.
Studio Sifaka : Est-ce que vous avez déjà vu le Projet de loi de finances initiale 2022 ?
Hony Radert : Nous n’avons pas vu à ce jour le Projet de loi de finances initiale 2022. Nous avons été très surpris de la déclaration du président de la commission finances au niveau de l’Assemblée nationale qui a déclaré le 9 novembre qu’ils avaient reçu le Projet de loi de finances le 29 octobre. J’aimerais préciser que le ministère de l’Economie et des finances a fait par rapport aux anciennes éditions un effort de communication en annonçant quand le projet a été déposé au niveau du Conseil des ministres, quand celui-ci a été adopté en Conseil des ministres. Il est dans nos habitudes de nous informer régulièrement au niveau de l’Assemblée nationale si le document a été déposé. Normalement il est censé l’être le 30 octobre. A partir du 30 octobre nous demandons régulièrement si c’est fait ou non. Nous faisons aussi une veille régulière sur le site web du ministère de l’Economie et des finances s’il est disponible ou pas.
Justement, la publication du Projet de loi de finances est-elle une obligation ?
Ce n’est inscrit dans la loi mais c’est une pratique internationale que le Projet de loi de finances soit déposé au Parlement et publié en même temps. Rien n’est visible sur le site à ce jour et les informations que nous avons de la part des personnes qui travaillent à l’Assemblée nationale est que ce document n’est pas encore disponible. C’est pour cela que nous avons décidé le 9 novembre de publier le communiqué qui demande à ce que le Projet de loi de finances soit publié dans les meilleurs délais.
En quoi est-ce important que le Projet de loi de finances soit publié ?
C’est important parce que c’est à partir de ce document que l’on doit savoir comment l’Etat compte faire rentrer de l’argent ? A partir de quelles ressources ? Est-ce que ce sont les ressources propres internes ? Est-ce que ce sont les bailleurs de fonds ? Est-ce que ce sont des emprunts ? De quelle manière cet argent va être dépensé ? Quels seront les secteurs prioritaires vers lesquels cet argent sera utilisé ? Quels seront les résultats que nous pourrions espérer pour améliorer le quotidien de la population ?
Vous avez toujours insisté sur les secteurs sociaux ces dernières années ? Est-ce que vous maintenez toujours cette position ?
Pour nous les secteurs sociaux sont plus que jamais essentiels. Quand on tient compte de la pandémie, est-ce que nos formations sanitaires sont prêtes à accueillir les malades ou à faire la prévention nécessaire ? Aujourd’hui, on voit qu’au niveau de la vaccination, on est encore loin d’atteindre les objectifs fixés. Par rapport à l’éducation, si on veut espérer que la population puisse se développer correctement, il faut que nos enfants aient les moyens et le savoir-faire pour cela. Là encore, nous avons du chemin à parcourir. En plus des secteurs sociaux, nous mettons aussi l’environnement au cœur des priorités. Quel que soit les efforts que nous faisons, si nous n’avons plus de planète à préserver, cela ne servira à rien.
Est-ce que la relance économie pourrait aller de pair avec les secteurs sociaux dans le contexte post-covid actuel ?
Au niveau de la relance économique, il s’agit de voir avec le secteur privé quelles sont leurs attentes. Il est vrai que dans le secteur tourisme, il y a des négociations qui sont entamées pour avoir l’amnistie fiscale. Le gouvernement doit écouter les demandes du secteur privé et voir dans quelle mesure il peut l’appuyer pour la relance économique. Je crois qu’il est important d’avoir cette consultation inclusive, de prendre en compte les demandes des parties prenantes et leurs attentes pour voir comment on peut avancer main dans la main pour le développement. Le gouvernement ne doit pas aller de manière unilatérale dans ses actions. Le PEM (Plan émergence Madagascar) est un exemple. C’est vraiment fait de manière unilatérale, éventuellement avec les PTF, mais sans aucune implication des parties nationales alors que c’est nous qui sommes là et qui affrontons les choses quand ça ne va pas.
Le délai imparti de 60 jours au Parlement pour discuter du Projet de loi est-il suffisant ?
Le processus budgétaire en lui-même devrait être inclusif dès le départ. C’est vrai qu’on a aujourd’hui les conférences budgétaires régionales qui sont prévues afin de recueillir les attentes des citoyens à la base. C’est un processus nouveau et on remercie le ministère de l’Economie pour cette initiative, mais il s’agit de pouvoir vraiment pousser les parties locales à faire des propositions. En même temps, il faut qu’on aille au-delà des propositions puisque pour le moment le discours ne va que dans un sens mais il n’y a pas de dialogue. Il faut qu’on arrive à mettre des plateformes de dialogue en place. Les propositions sont là , voyons ensemble comment on va avancer. Il ne faut pas que les propositions arrivent et que ce soit le ministère central qui va trancher ce qui va être pris. Il faut un dialogue. Dire, il y a telle proposition voilà comment on peut faire, qu’est-ce qu’on priorise, mais pas que ce soit une surprise pour le citoyen à la fin. Si on veut l’inclusivité, et on est en train de partir sur les premières bases, il faut vraiment un échange permanent et aller ensemble tout au long du processus budgétaire pour qu’à la fin les députés n’aient plus la surprise de ce qui est dans le Projet de loi de finance, les citoyens ne soient plus surpris du contenu du document. Bref, savoir à quoi nous attendre.
Est-ce les citoyens s’intéressent à la loi de finances ? Est-ce que vous avez perçu une évolution dans l’intérêt des citoyens pour la loi de finances ?
Que ça évolue ? En tout cas oui. Après c’est vrai qu’on n’en est pas encore à une masse critique parce que la Loi de finances, ce n’est pas toujours évident de savoir ce qu’elle va apporter à la base. C’est le travail que le CCOC fait justement, essayer de faire le lien entre les allocations que l’on décide au niveau central et les réalisations que l’on va trouver au niveau local. Il s’agit pour nous de renforcer les capacités des OSC locales pour faire le suivi, pour comprendre d’où vient l’argent, ce qui est prévu être fait et effectuer le suivi de qui a été fait et si ça correspond à aux besoins. A partir de leur constat, faire un retour au niveau central. C’est ce dialogue qu’on veut nouer entre le niveau central et le niveau local pour ça devienne un mécanisme, quelque chose de constant pour avoir une offre qui répond à la demande du citoyen.
Parlant justement des citoyens. Il y a eu un effort qui a été entrepris ces dernières dans cette optique avec la publication du budget des citoyens mais on n’en parle pas trop. Pouvez-vous nous rappeler c’est quoi au juste ?
Le Budget des citoyens est toujours là . Il y a un lien qui est disponible sur la transparence budgétaire qui est toujours actif. Dessus vous aurez les versions citoyennes du budget. Il y a aussi un rapport de l’exécution budgétaire toujours en version citoyenne. Le but c’est de donner une version simplifiée du budget pour que les citoyens puissent comprendre les principales destinations du budget, les principales réalisations attendues.
Propos recueillis par Tolotra Andrianalizah