Occulté par d’autres problèmes, le sida est toujours présent à Madagascar et continue son avancée, discrètement mais surement. Les jeunes sont de plus en plus concernés par la maladie. Entrevue avec le chef du Programme national de lutte contre le sida Dr Haja Randriantsara.
Studio Sifaka : Que peut-on dire de la situation du sida dans le pays ?
Dr Haja Randriantsara : Au cours des cinq dernières années, les chiffres du sida ont augmenté progressivement. Nous avons remarqué que de plus en plus de jeunes vivent aujourd’hui avec la maladie alors qu’auparavant, cela concernait essentiellement les 40 ans et plus.
Pouvez-vous parler des populations cibles dans la lutte contre le sida ?
La séroprévalence dans le pays est encore faible donc la lutte est dirigée vers certains types de populations dites clés. Il y a les MSM (men having sex with men), les professionnels du sexe, et les consommateurs de drogue injectable. Les jeunes font également partie de cette population clé dans la mesure où ils sont nombreux à être des professionnels du sexe et à faire partie de la catégorie MSM. A cause de cela, les moins de 24 ans sont qualifiés de PCPER ou population clé les plus exposés au risque.
Quelle est l’impact de la démocratisation actuelle des réseaux sociaux dans la lutte contre le sida ?
Les réseaux sociaux est une lame à double tranchante. Si les jeunes les utilisent pour trouver les informations et l’attitude à adopter pour prévenir le sida, c’est une bonne chose. Les jeunes sont pourtant séduits par autre chose et on sait qu’ils ont tendance à expérimenter. Ils peuvent pourtant avoir accès à des contenus peu recommandés. Au final, cela dépend de l’utilisation des réseaux sociaux.
Le programme de lutte contre le sida s’intègre-t-il dans l’éducation sexuelle en milieu scolaire ?
Oui. Nous travaillons avec le ministère de l’Education nationale. Nous appliquons en fait la méthode ABCDE pour abstinence, bonne fidélité, condom, dépistage et éducation sexuelle. Il y a des cours d’éducation sexuelle mis en place au collège avec le concours du ministère de la Santé. En plus des appareils génitaux, des modules ont été mis en place pour identifier les informations que les jeunes doivent connaitre autour de la sexualité. C’est important car nous avons noté que les jeunes ont leur premier rapport de plus en plus tôt.
Le traitement du Sida est-il toujours gratuit ?
Oui. Les médicaments antirétroviraux sont gratuits. Ils sont disponibles dans les hôpitaux auprès des centres de référence avec des médecins référents. A Antananarivo, il y a l’hôpital de Befelatana. Mais en ce moment, comme il y a de plus en plus de gens qui vivent avec le sida, nous avons facilité l’accès aux médicaments. Des CSB II sont formés à cet effet qu’on appelle centre de traitement. La politique appliquée se résume à TTR pour tester, traiter et retenir. Retenir car il est important de ne pas perdre de vue les malades car le traitement du sida est à vie.
Est-ce que les gens sont nombreux à se faire tester ?
Le test est également gratuit. Presque tous les centres de santé à Madagascar proposent le test VIH. Il suffit d’une petite piqûre sur le doigt. Par contre, il convient de noter qu’il y a trois tests à faire pour vraiment statuer sur la positivité d’un patient. Nous invitons les gens à se faire tester surtout les femmes enceintes pour protéger le bébé. Nous invitons tout le monde à se faire tester car si le Sida est pris en charge plus tôt, il n’y a pas de problème. On peut parfaitement vivre avec le Sida. Les personnes qui ont plusieurs partenaires devraient se faire tester. En réalité, les gens appréhendent le test. Il y a la piqûre d’un côté mais le sida continue également à faire peur. Mais finalement, c’est une maladie chronique comme une autre. Il ne tue pas s’il est pris en charge rapidement. Les personnes qui en meurent encore sont les personnes dont le diagnostic a été rendu tardivement. Je pense que plus personne ne devrait mourir du sida.
Qu’en est-il de la stigmatisation des personnes atteintes du VIH ?
Le sida est à Madagascar depuis 1982. Au sein du ministère de la Santé avec l’aide du ministère de la Justice, nous avons obtenu que les personnes malades du sida ne soient plus stigmatisées. En 2006, une loi protège les personnes qui vivent avec le sida de la discrimination et de la stigmatisation. Au sein du ministère nous continuons de sensibiliser dans ce sens. Dans les enquêtes que nous avons menées nous avons remarqué que les gens discriminent les personnes séropositives à cause du manque d’information. Ils ont peur que les gens leur transmettent la maladie. Nous avons formé le personnel de santé pour qu’il transmette à leur tour le message. Il est à noter que le VIH se transmet à 98% par voie sexuelle à Madagascar. Â
Après plusieurs années de communication autour du préservatif, où est-ce que le pays en est dans son utilisation ?
Les Malgaches sont encore réticents à l’utilisation du préservatif. Il y a des préservatifs gratuits fournis par l’Etat, mais les malgaches sont réticents. Certes il a une progression mais ce n’est pas encore assez. Normalement ce devrait être systématique dès qu’on n’a pas de partenaire fixe. Les Malgaches n’utilisent pas le préservatif pour des raisons de commodité surtout.
Â
Propos recueillis par Tolotra Andrianalizah