Le rideau est tombé sur la première édition de la Tana Design Week. Pour ceux qui ont pu venir à la gare Soarano du 11 au 19 mars, difficile de passer à côté de cet aloalo de plus de 2 m particulièrement chatoyant. Baptisé « Tetezana », pour passerelle entre deux mondes, celui des vivants et des morts, il est aussi une passerelle entre cet art statuaire malgache et la modernité. Interview avec la franco-burkinabé Sophie Pozmentier, la femme qui a conçu cet œuvre haut en … couleur.
Studio Sifaka : Pourquoi l’aloalo ?
Sophie Pozmentier : Cela fait quelques années que j’avais envie de travailler sur un totem. J’avais commencé à travailler sur cet art statuaire au Burkina Faso mais le projet n’a pas abouti. Quand je suis arrivée à Madagascar, j’ai découvert l’aloalo, le totem malgache. On m’a expliqué l’histoire, je m’y suis intéressée. J’ai vu que mis à part l’aloalo sacré dans le sud du pays, il est devenu un objet décoratif. Au village artisanal, on le représente en bois, en aluminium. C’est pratiquement un emblème du pays. On m’a expliqué ce que cela signifie. J’ai trouvé que c’est une jolie manière de raconter la vie d’un défunt, de mettre bout à bout des symboles pour représenter un parcours de vie. J’aimais l’idée de pouvoir raconter un parcours de vie avec des symboles. J’aimais l’idée qu’on pouvait choisir son chemin de vie avec des symboles. A partir de là , j’ai repris mon projet de départ et les dessins que j’ai commencé à faire en Afrique de l’ouest. Je me suis dit, « ça y est », j’ai trouvé le totem que je voulais faire. Il porte le nom de « Tetezana » (passerelle) parce que c’est la passerelle entre deux mondes.
Que signifient les symboles sur votre aloalo ?
Il y a le rond qui représente le soleil. Il y a deux demies-lune. Puis j’ai pris le symbole le plus emblématique, le zébu. Les autres sont des symboles de séparations et il y a aussi des éléments décoratifs.
Comment les visiteurs ont réagi par rapport à « Tetezana » ?
Les gens ont été agréablement surpris. Ils ont dit qu’ils trouvaient très chouette toute cette couleur sur le totem, que ça donnait quelque chose de très moderne, de vraiment décalé. Les gens dans l’ensemble ont apprécié. J’étais ravie. En fait et c’est très réconfortant. C’est très important pour moi de voir les malgaches qui s’exclamaient : « mais c’est un totem de Madagascar ! C’est chouette de l’avoir fait comme ça ».
Vous travaillez surtout sur la résine et la fibre de verre. Une raison particulière ?
Cela fait une dizaine d’années que je travaille la résine et la fibre de verre. Je trouve que c’est une matière qui est malléable. Certes, on part d’une maquette au départ, mais c’est malléable. Cela permet de donner un côté moderne à l’objet qu’on crée et ça, j’aime beaucoup.
Comptez-vous travailler sur d’autres éléments de la culture malgache dans le futur ?
Pas spécialement. L’aloalo c’est vraiment pour mon projet de totem. Je vais essayer de faire d’autres variations mais ce que j’aimerais faire c’est d’arriver à travailler avec des matières qu’on trouve à Madagascar. Je suis en train de travailler dessus, mélanger d’autres matières avec résine et la fibre de verre.
Depuis quand êtes-vous à Madagascar ?
J’ai vécu toute ma vie en Afrique. J’ai grandi au Gabon. Je suis ensuite allée dans d’autre pays, le Cameroun, l’Algérie, pour arriver au Burkina Faso où j’ai passé 12 ans. Et c’est là que j’ai commencé à travailler l’objet avec les artisans. Je suis à Madagascar depuis deux ans. Quand je suis arrivée, il y a eu la COVID. Je n’ai pas pu travailler mon studio de création tout de suite. Mon atelier Nassara Design à Tanà fonctionne depuis six mois.
Comment trouvez-vous le secteur du design à Madagascar ?
C’est un secteur encore petit mais je trouve que c’est dynamique par rapport à ce que je viens de vivre avec les autres designers. Il y a des expositions très régulièrement avec la Fondation H entre autres et ce, même pendant la Covid. Les gens restaient dynamiques malgré la situation. Le fait que Tana Design ait pu exister a été un gros travail des organisateurs. Cela fait un peu moins d’un an qu’ils sont dessus. Bravo à eux. Tout ce que je souhaite c’est que l’année prochaine, il y ait la deuxième édition et que chaque année il y en ait une. Cela va donner plus d’élan au design malgache, et cela va peut-être donner envie à des jeunes de se lancer.
Tolotra Andrianalizah