Seul 3% des EPP sont dotées de bibliothèque à Madagascar. On est bien loin de l’objectif du Plan sectoriel de l’éducation qui table sur la mise en place d’un coin lecture dans chaque école. Le projet Ressources éducatives financé par l’Agence française du développement va dans ce sens. Il entre dans sa phase 2 pour les trois prochaines années. Entretien avec Florence Dimani, chef de projet Ressources éducatives.
Pouvez-vous nous parler du lien entre la lecture et l’apprentissage ?
Apprendre à lire dans une langue qui n’est pas maitrisée rajoute une difficulté et du coup, complexifie l’accès à la lecture. En plus, on a affaire à des enfants en apprentissage de lecture qui deviennent des lecteurs. L’un des objectifs principaux du projet Ressources éducatives, c’est de mettre à portée de main des livres dans une langue que les enfants comprennent, notamment au niveau des dotations de livre et du travail qu’on a fait de concert avec les éditeurs. Le but est d’adapter le niveau de langue et le niveau de lecture aux enfants.
Mais quelle est la situation de l’accès au livre chez les enfants malgaches ?
L’accès au livre est compliqué. 3% des EPP ont une bibliothèque. L’accès au livre est rare, couteux et complexe. Les livres qu’on arrive à trouver au sein des écoles sont souvent des livres en français qui viennent de dons. On le sait, à Madagascar, 84% de la population ne parle que le malgache donc c’est déjà un énorme effort pour un enfant que d’apprendre à lire.
Dans ce sens, sur quels axes le projet Ressources éducatives s’est-t-il focalisé ?
Lors de la phase 1, il y a eu trois axes avec des actions autour de l’éducation, de la lecture publique et de l’édition. Pour l’axe éducation, il y a eu plus de 7 750 enfants bénéficiaires directs, plus de 150 professeurs formés à utiliser la littérature jeunesse en classe, plus de 4 500 livres distribués dans les écoles et collèges et chaque classe bénéficiaire a été dotée d’un environnement lettré. Il s’agit de systèmes d’affichage qui facilitent la compréhension et l’apprentissage de la lecture. Pour l’axe lecture publique, 90 professionnels de bibliothèque ont été formés à la littérature jeunesse et plus de 2 200 livres jeunesses ont été distribués dans les bibliothèques. 6 000 jeunes ont bénéficié d’ateliers de conte, de lecture, d’écriture, et de slam. Les quelque 7 000 livres distribués sont en langue française, malgache ou bilingue. Les actions ont été déployées dans les régions Analamanga, Amoron’i Mania, Boeny et Sava sur le même rythme et la même quantité de bénéficiaires. Sur l’axe édition, 10 maisons d’éditions malgaches ont été accompagnées pour la montée en compétence sur l’édition jeunesse. Ils ont bénéficié de soutien financier et d’appui technique pour l’édition de 11 nouveaux titres jeunesse paru entre janvier et mars pour un total de 10 000 livres.
Qu’est-ce qui est prévu pour la suite ?
On va essayer d’élargir ce qui a été fait sur la phase 1. Sur la phase 2 qui va se dérouler de 2022 à 2025, l’idée est d’étendre à deux régions de plus, avec Atsinanana et Diana. Nous aimerions transformer les classes pilotes en écoles pilotes donc étendre l’action au sein de l’école. Nous allons continuer le développement de nouveaux titres jeunesses pour qu’il y ait plus de titres jeunesse de qualité et donc de créer un vivier de littérature jeunesse avec des maisons d’édition reconnues dans le pays et en Afrique francophone.
Est-ce difficile de faire intéresser les enfants à la lecture ?
Les enfants adorent les livres mais une fois de plus il faut que les livres soient adaptés à leur niveau de langue et de lecture. Je suis allée dans presque toutes les régions pour aller visiter les écoles, discuter avec les professeurs et les enfants sur les outils qui ont été déployés, les livres qui ont été amenés, quels les livres ils préfèrent … J’ai été surprise qu’ils connaissent tous les livres alors que dans chaque classe on en a eu plus d’une trentaine. Cela signifie qu’ils les ont lus. On a des retours extrêmement positifs là -dessus.
La littérature jeunesse comme outil d’apprentissage. A qui s’adresse le plaidoyer que le projet a initié ?
Il y a dix plaidoyers qui ont été initiés par le projet et dont les acteurs de la chaine se sont saisis. Dans le cadre de Ressources éducatives Madagascar et sur les trois années qui restent, l’objectif c’est d’initier des éléments et bien évidemment d’essayer de leur donner une certaine pérennité pour faire en sorte qu’il puisse y avoir une continuation au-delà de 2025. L’un des plaidoyers important est de faire de la littérature jeunesse un outil d’apprentissage. Si sur les années à venir on arrive à soutenir le développement de la chaine du livre à Madagascar pour créer des livres adaptés aux niveaux de langue et de lecture des enfants, on permettra une certaine souplesse pour la chaine du livre et une certaine facilité à la littérature jeunesse malgache. L’objectif est que derrière il y ait des relais qui soient pris par des bailleurs, par l’Etat et les différentes parties prenantes du projet ou d’autres collaborateurs partenaires afin que la littérature puisse être positionnée comme un outil d’apprentissage dans toute l’île.
Propos recueillis par Tolotra Andrianalizah