En marge de la consultation menée par le ministère des Mines et des ressources stratégiques dans le cadre de la refonte du Code minier, le président du Syndicat professionnel minier de Madagascar partage ce que les exploitants miniers malgaches attendent du nouveau texte. Interview.
Studio Sifaka : Quelles sont les raisons de la refonte du Code minier ?
Richard Rabary Razafindrazaka : Cela dépend du régime. La politique minière actuelle repose sur l’assainissement du secteur. On ne peut cacher tous les scandales autour avec les différents trafics qui ont défrayé la chronique. Cela constitue un énorme manque à gagner qui se chiffre à des milliards de dollars pour le pays. Il y a aussi la lutte contre la pauvreté. Les gens envient la richesse du sous-sol malgache notamment les étrangers. Il y a un grand laisser-aller chez nous. Le problème c’est que l’Etat ne semble pas se rendre compte de la valeur de nos richesses minières. Notre syndicat, c’est un syndicat de malgaches qu’on appelle « petites mines ». Ce dont pourquoi on lutte c’est avant tout l’intérêt des Malgaches.
Avez-vous une estimation des Malgaches qui travaillent dans ce qu’on qualifie de « petites mines » ?
Le nombre de malgaches qui travaillent dans ce secteur est estimé à 7 millions. Cela représente plus du quart de la population. En 2015, la banque mondiale a indiqué qu’après l’agriculture, c’est le secteur minier qui est le plus grand pourvoyeur d’emplois. C’est largement plus que le textile et le tourisme.
Comment vivent les Malgaches dans les petites mines ?
Les Malgaches qui sont dans le secteur investissent leur épargne, vendent des terrains ou autres biens. Ils se constituent un capital pour faire l’exploitation. L’activité est cependant incertaine. C’est souvent par le bouche-à -oreille que les ruées se font. Les Malgaches y vont avec l’espoir de changer de vie. Mais la plupart du temps, l’argent est dépensé sans résultat. La raison c’est que les méthodes utilisées ne suivent pas les normes où la phase d’exploration est importante avec des études et tout. Les Malgaches n’en ont pas les moyens. On suit les filons pour atteindre des poches et ainsi de suite. Nombreux ne s’en sortent pas.Â
Qu’est-ce que vous reprochez à l’ancien Code minier ?
Ce qui a toujours manqué dans le Code minier c’est le soutien aux Malgaches. Pour preuve, le Code minier actuelle dit que les ressources minières appartiennent à l’Etat. C’est faux. Les ressources minières appartiennent à la Nation. L’Etat est là pour gérer. Il ne peut pas en faire ce qu’il veut. Cela veut dire que c’est la population malgache qui en est le propriétaire. La population doit être le premier bénéficiaire de l’exploitation. Cela veut dire qu’il faut permette aux Malgaches d’exploiter efficacement ces ressources qui leur appartiennent. On ne perçoit pas cela dans le Code minier actuel.
Qu’est-ce que les petites mines attendent de la refonte du Code minier ?
Il faut que l’Etat soit convaincu que les mines constituent une richesse nationale. Comme j’ai dit précédemment cela veut dire que ce sont les Malgaches qui doivent en bénéficier en premier que ce soit en termes de création d’emploi, de revenu, ou de niveau de vie. Pour cela, il faut que l’Etat appuie particulièrement les exploitants malgaches. Il y a l’actuel PRE ou permis réservé aux petits exploitants qui limite beaucoup les exploitants. Il ne permet pas aux exploitants d’utiliser des machines, d’employer plus de 20 personnes et de descendre au-delà de 20 mètres. Pourquoi limiter les Malgaches ? Personne ne s’arrêtera s’il trouvera des pierres ou de l’or à 20 mètres. En 2013, on a déjà permis l’utilisation de machines comme des motos-pompes mais ce n’est pas encore suffisant. Concrètement, nous voulons un permis réservé aux nationaux, exclusif aux malgaches où le plafond de l’investissement est de 3 500 000 dollars et où il n’y a plus de limite dans le matériel utilisé. Si on donne aux malgaches les moyens, on peut aller loin.
Le ministre a parlé de professionnaliser les petites mines. Que proposez-vous dans ce sens ?
Les Malgaches qui sont dans le secteur sont pour beaucoup informels. Pourquoi ? Ils n’ont pas de travail. La mine, c’est ce qu’ils ont à disposition. Je ne dis pas que c’est bien, j’explique pourquoi ils restent dans l’informalité et qu’est-ce qu’on pourrait faire pour les formaliser. Un projet de formalisation et de professionnalisation a été mené. 25 000 exploitants informels sont rentrés dans les rangs au sein de 236 groupements. Nous avons ressenti que dans le fond, les Malgaches ne partent pas d’une mauvaise intention. Ils ne connaissent pas la loi. D’ailleurs le Code minier est en français et encore, c’est rempli de termes techniques. La plupart des petits exploitants sont des paysans. Ce que nous avons fait c’est de mettre en place un projet conjoint avec le ministère des Mines. Le projet s’est intitulé Lanja Miakatra. On était allé un peu partout d’Antsiranana à Sambava en passant par Taolagnaro, Vatomandry, Morondava, Maintirano, Maevantanana, Faranfangana. L’idée c’était justement de faire connaitre la loi, les papiers qu’on doit avoir avant de se lancer dans l’exploitation avec notamment le permis. Un gemmologue nous accompagnait pour faire connaitre les substances qui existent dans les régions. Nous avons également mis en place des formations dans la transformation des produits de la mine pour tout ce qui est bijouterie et lapidairerie. Enfin, nous avons trouvé des débouchés à l’extérieur notamment en Chine, en Inde et à Paris. Mais le projet a été suspendu.
Le secteur est terni depuis plusieurs années par le trafic. Comme faire la part entre l’informalité et le trafic ?
Il y a une différence entre informel et trafiquant. Un informel, c’est une personne qui n’est pas en règle. Un trafiquant détourne les richesses du pays. Un expert de la Banque mondiale a indiqué en 2015 que le pays a perdu 10 milliards de dollars sur 15 ans. Les Malgaches sont nombreux dans l’informel, mais ils sont juste informels. Ils travaillent à la solde des trafiquants. Ils gagnent de quoi survivre un mois ou deux et retournent dans les mines. Si les Malgaches étaient les trafiquants, leur condition de vie ne devrait plus être la même. Rares sont les malgaches qui s’en sorte vraiment. Ce n’est pas le cas des étrangers. Si on va dans des localités comme Sakaraha ou Manombo on voit la différence. La route sépare le bidonville des mineurs malgaches des villas de ces étrangers. Ça fait mal. Ce sont les mineurs qui risquent leur vie. Pourquoi laisse-t-on ce genre de chose se passer ? Pourquoi les Sri lankais restent à Ilakaka alors qu’on dit qu’il n’y a plus de pierre ? Ils savent qu’il y en a encore. Après la découverte de l’Ilakaka, on est numéro un en pierres de couleur dans le monde. Mais on reste encore pauvre. Où vont ces pierres ? Où va l’or ? On les retrouve à Bangkok, à Dubai.
Où en sommes-nous avec les permis miniers ?
L’octroi de nouveaux permis est suspendu depuis 2010 à cause du régime transitoire. La feuille de route indique que la transition ne peut délivrer un permis. La suspension se poursuit jusqu’à maintenant. C’est un problème pour les exploitants dont le permis est arrivé à expiration car le renouvellement est également suspendu. C’est une porte ouverte à l’informalité car il s’agit de leur gagne-pain. Ils ont tant investi dedans. C’est pour cela qu’on a demandé à l’ancien et à l’actuel ministre d’autoriser le renouvellement des permis. On est d’accord avec l’assainissement pour les nouveaux permis mais par pour le renouvellement. Le ministre a annoncé que cela ne devrait plus tarder.
Propos recueillis par Tolotra Andrianalizah