Stannie Rameliarison, 27 ans, fait partie des jeunes qui ont bénéficié d’un appui lors du Forum international jeunesse et emplois verts (FIJEV) en 2019. 2022, elle est encore là avec une nouvelle entreprise, certes, mais sans se départir d’une détermination qui semble intarissable. Elle nous a accordé une interview en marge de l’ouverture des activités de suivi du FIJEV sur le thème « Défis, leçons apprises, et perspectives pour une jeunesse entreprenante ». Entretien avec cette boule d’énergie mue par une volonté d’essaimer l’esprit de l’entrepreneuriat chez les plus jeunes.
Studio Sifaka : Parlez-nous de votre entreprise.
Mon entreprise s’appelle Mahatsara. Elle a été créée en octobre 2020. En bref, on sèche des fruits et des légumes. On a deux clientèles distinctes. Pour le premier prix, ce sont les mères qui veulent donner des aliments sains à leurs enfants mais qui n’ont pas forcément de grands moyens. Pour la deuxième catégorie, on a des jeunes qui veulent rester « fit » et qui prennent d’autres compléments alimentaires avec.
Stannie Rameliarison : Dans votre speech à la cérémonie d’ouverture, vous avez parlé d’échec …
J’ai participé au FIJEV 2019. J’étais là du 18 au 22 juin. J’ai eu une première entreprise dont j’étais la fondatrice. Puis j’ai eu un associé et après j’ai été contrainte de quitter l’entreprise. J’ai ensuite créé Mahatsara. Mais la première entreprise est toujours là .
Comment vont les affaires avec Mahatsara ?
On a bien grandi au cours de ces deux années. Au début, il n’y avait que moi. Là maintenant, on est quatre. Au début, on n’avait qu’un seul point de vente là on a dix revendeurs dans tout Tanà . On a multiplié par huit notre chiffre d’affaires. Je pense qu’on peut en faire davantage en 2023.
Vous avez beaucoup parlé de réseautage aussi dans votre discours. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Je parle de réseau parce que les jeunes entrepreneurs malgaches qui ont participé au FIJEV sont restés soudés. S’il y a une opportunité pour représenter Madagascar dans un évènement, on se le partage. On ne se le garde pas pour soi. De même pour les opportunités de foire, de salon et de formation. C’est l’essentiel du réseautage.
Plusieurs des participants au FIJEV ont connu des difficultés et ont dû changer d’activités. Certains ont même dû arrêter. Seules une dizaine d’entreprises sont encore debout. Comment réagissez-vous à cela ?
C’est à cause de la crise de la COVUD 19. Il y a aussi notre économie qui est en train de se détériorer petit à petit malheureusement. Mais à part cela, je trouve que l’entrepreneuriat en soi n’est pas un but ultime. Je connais des gens qui ont participé au FIJEV 2019. Ils ont arrêté l’entrepreneuriat mais ils s’épanouissent pleinement dans le salariat tout en gardant les mêmes valeurs, la même passion.
Tout le monde peut-il être entrepreneur ?
Pas vraiment. Ce n’est pas tout le monde qui peut être entrepreneur. Mais il y a des formations, des choses qu’on peut donner aux jeunes, surtout quand ils sont encore au collège. L’idée est d’avoir cette passion, cette conviction et cette ambition de devenir entrepreneur.
Quel genre d’entrepreneure être vous ?
Je dirais d’abord sociale parce que la personne humaine est la plus précieuse des richesses. Donc dans tout ce que nous entreprenons, nous avons nos clients, nos employés et nos collaborateurs au centre de nos activités. De deux, je dirais aussi engagée, parce que je milite énormément pour que l’entrepreneuriat soit connu, reconnu, et pratiqué par la jeunesse de Madagascar. Contrairement à d’autres systèmes scolaires, le nôtre ne nous l’enseigne pas même au niveau universitaire. On essaie de faire rentrer ça dans le mindset des jeunes et pourquoi pas dès le collège. C’est ce que je préfèrerais beaucoup (Rires).
Les « grandes » entreprises des principaux groupements se plaignent de pas mal de choses liées au climat des affaires. Partagez-vous leurs soucis ?
On peut rencontrer les mêmes problèmes mais ce sont la taille et l’ampleur qui diffèrent. L’intensité des problèmes est différente selon la taille de l’entreprise. Ce qui est bien, c’est qu’après le FIJEV, il y a le système de mentorat. C’est très important parce que moi par exemple j’ai été mentorée par deux entrepreneurs, l’un spécialisé dans l’agriculture et l’autre dans la grande distribution. On avait partagé nos plus grands défis, nos plus grands échecs. Je peux leur parler ouvertement de mes soucis en tant qu’entrepreneure. Il y a une grande différence entre se battre toute seule et avoir un mentor.
Qu’en est-il du climat des affaires ?
Tout le monde le vit mais à une échelle différente. Récemment j’ai eu la chance de participer au Falling Walls Berlin et j’ai pu voir la différence entre le climat des affaires des autres pays, même ceux qui sont en voie de développement comme nous et le nôtre. Rien que l’énergie. C’est un très grand fléau chez nous. Pour mon cas, normalement on a huit heures de travail pour une journée et s’il y a coupure, mes employés vont rester deux heures de plus parce qu’ils ont cette mentalité qu’il faut finir le travail d’aujourd’hui. Donc c’est vraiment un handicap. Pour le côté soutien à l’entrepreneuriat, je sais que l’Etat fait des efforts mais il y en a encore un peu moins de tout ce qui peut se faire. En résumé, je dirais que le climat est encore à redorer, surtout par rapport aux autres pays africains.
Vous aviez déclaré avoir été agréablement surprise par les services de l’Economic development board of Madagascar.
Avant FIJEV, je pensais qu’ils ne faisaient que juste la création d’entreprise mais en fait ils peuvent déjà orienter sur par exemple quel serait le système fiscal qui m’irait le mieux. Est-ce que je devrais faire SARLU ou entreprise individuel ? Quels sont les opportunités d’investissement que les investisseurs auront pour entrer dans mon entreprise ? Donc il y a des services qui ne sont pas connus du grand public mais qu’ils ont. Ils nous ont expliqué cela durant le FIJEV.
Recueillis par Tolotra Andrianalizah