La troisième édition des Novegasy Awards s’est déroulée au début du mois au Canal Olympia. Il s’agit des récompenses qui honorent les meilleures séries de Novegasy, la chaine qui diffuse exclusivement des séries made in Madagascar. Depuis son lancement, cette chaine a connu un franc succès auprès des familles malgaches. Domoina Ratsara, membre du jury durant les trois éditions de ces Novegasy Awards, a accepté de nous parler de cet univers qui gagne en importance dans le paysage télévisuel malgache. Journaliste culturelle et critique de film, Domoina Ratsara coordonne la revue panafricaine des critiques de cinéma, Awotéĺé. Elle est également en charge depuis novembre de la section cinéma du Réseau critiques africaines, un réseau de critiques d'art en Afrique. Interview.
Studio Sifaka : Vous êtes membre du jury de Novegasy Awards pour la troisième année consécutive. Comment ont évolué les séries durant cette période ?
Domoin Ratsara : L'évolution s'opère au niveau purement technique si je puis dire. Au niveau de la narration et de l'esthétique, l'évolution prend un peu de temps à se mettre en place.
Qu’est-ce que Novegasy a apporté au secteur de la production audiovisuelle malgache ?
Novagasy a permis de raviver le feuilleton après une période de léthargie. Le genre est devenu ainsi un élément clé de la création audiovisuelle malgache. C'est le clip musical qui a occupé cette place il y a encore quelque temps.
"Raviver", dites-vous. Qu’y avait-il avant les séries Novegasy ?
Les belles années des feuilletons dataient des années 90, début 2000. On se souvient encore du célèbre feuilleton Revy sa ditra. Après quelques tentatives de retour, le genre produit localement a été abandonné laissant la place aux télénovelas qui sont venues d'Amérique latine. Depuis, ce sont les clips musicaux qui ont constitué en grande partie la production de contenus audiovisuels malgache. Dans le monde de la publicité, les spots ont permis à certains professionnels, à défaut de projets de création, d'expérimenter des formes de narration visuelle et ont ainsi créé un autre espace d'expression pour eux.
L'abandon de la production n'est-il pas lié à la rentabilité ? Sur ce sujet, quel est le modèle économique des séries diffusées à la télé malgache notamment Novegasy ?
Le modèle économique est le premier facteur de déclin du genre car chez nous les producteurs s'appuient sur leur propre fonds pour financer tout le processus. Très peu de chaînes télévisées locales disposent de ressources nécessaires et suffisantes pour soutenir sur le long-terme ce genre de production. Comme Canal+ est payant, ce modèle économique a permis à Novegasy de proposer une offre riche de 800 épisodes annuellement.
Quelles sont les autres pistes de financement pour les productions ?
Pour les pistes de financement, l'implication du gouvernement est essentielle. Il est possible d’avoir un fonds d'aide au cinéma. L'appui devrait intervenir à tous les niveaux de l’écriture, à la diffusion en passant par la réalisation et la production. Il faut surtout un environnement favorable au développement de l'industrie du cinéma à commencer par un cadre légal. Cela va attirer d'autres acteurs à s'y intéresser en l’occurrence le secteur privé.
On remarque un certain clivage dans le monde du cinéma en général entre une frange plus commerciale et une autre qu’on qualifierait de puriste …
Il y a effectivement deux tendances qui cheminent parallèlement à Madagascar. Il y a ceux qui ont compris que le cinéma est une industrie et il y a ceux qui pensent que le cinéma est d'abord un art. Ce sont deux tendances qui devraient se croiser et mutualiser leurs efforts à mon sens.
Comment ?
Il faut d’abord de la volonté d'abord. Puis, il nous faut une vision partagée de l'industrie que nous voulons. Quand les objectifs et les règles du jeu sont clairs et les ressources disponibles, les acteurs feront le reste. La dynamique se mettra en place.
Le public est-il aussi divisé ?
Le public dépend malheureusement de la diffusion qui reste problématique. L'accès à la culture tout court reste problématique à Madagascar.
Malgré tout cela, comment trouvez-vous l'avenir de la production malgache ?
Je trouve que nous avons un potentiel énorme. En termes de talent, nous en avons à revendre et la capacité des jeunes malgaches à s'approprier les techniques et nouvelles technologies au service de l'image est exceptionnelle. Nos brillons dans tous les genres, fiction, documentaire sans parler de l'animation. En termes de récit, la diversité de notre peuplement et de notre culture offre un large éventail d'histoires à raconter.
Propos recueillis par Tolotra Andrianalizah