La décentralisation se heurte à plusieurs obstacles dans le pays. Outre les problèmes d’organisation, de coordination ou de volonté politique, il y a aussi le niveau des élus. Depuis 2011, l’Etat a mis place l’Institut national de la décentralisation et du développement local (INDDL). Son directeur général Ahmad Jaffar Saïd explique le fonctionnement et l’importance de cet institut. Interview.  Â
Qu’est-ce que l’INDDL ?
L’INDDL est un établissement public auprès du ministère de l’Intérieur et de la décentralisation. Il a été créé en 2011. C’est un dispositif de coordination et d’harmonisation des actions de renforcement de capacité des collectivités territoriales décentralisées (CTD). La mission de l’INDDL est de former et d’accompagner les élus locaux et les agents des CTD dans la gestion de leur collectivité puisque qu’on sait qu’il n’existe pas d’école pour les maires à Madagascar. C’est une manière pour l’Etat d’apporter sa part de contribution envers les collectivités à travers la formation.
Concrètement, comment fonctionne l’INDDL ?
Il arrive que les CTD se regroupent pour demander une formation. Par exemple deux ou trois communes nous demandent de les former. Par rapport à leurs besoins, nous faisons un diagnostic de performance du personnel. A partir de là , nous dressons un plan de formation. Il y a aussi les partenaires techniques et financiers qui travaillent auprès de ces CTD. C’est le cas par exemple de l’Agence française du développement, la Coopération allemande ou encore le projet Rindra mis en œuvre par le PNUD. Ces partenaires sont ancrés dans ces collectivités et ils estiment parfois que certaines doivent être renforcées dans certains domaines. Dans ce cas, nous agissons par rapport aux demandes de ces partenaires. Jusqu’ici, l’INDDL ne travaille qu’auprès des communes même si c’est vrai que c’est un institut qui concerne toutes les collectivités territoriales décentralisées. Jusqu’à présent aucune région n’a présenté un intérêt à se former auprès de l’INDDL. Mais je pense qu’il faudrait voir cela. Les régions devraient bénéficier des formations mais tout dépend d’elles.
Vous agissez donc à la demande …
Nous avons aussi notre plan de travail annuel. Ce plan est défini par rapport à nos moyens. Pour cette année par exemple, nous avons les femmes maires dans tout Madagascar. Nous pensons aussi former les communes enclavées surtout dans le sud et le sud-est et dans le Melaky en particulier. Ce sont des communes qui sont enclavées et qui n’ont bénéficié d’aucune formation depuis leur existence. Ces choix viennent de nous, par rapport à nos constats et par rapport aux moyens dont nous disposons.
Qu’en est-il du niveau des maires en général ?
Chez les maires des communes rurales et même de certaines communes urbaines, nous avons constaté qu’il y a une faible compréhension de leurs missions. Comme j’ai dit, il n’existe pas d’école pour cela. Dans certains cas, il faut le dire, les maires sont illettrés. Mais ils sont élus parce qu’ils sont populaires et que les électeurs leur ont fait confiance. C’est à nous de les appuyer. Il existe certaines structures qui peuvent appuyer même si le maire en question n’est pas apte techniquement à diriger. Il y a aussi l’appui des représentants de l’Etat à savoir les chefs de district et les préfets.
En quoi consistent les formations dispensées par l’INDDL ?
L’INDDL dispose de plusieurs modules de formations. Actuellement, nous en avons plus d’une vingtaine allant de la bonne gouvernance à la gestion financière en passant par la comptabilité. Bref, tout ce qu’il faut pour la gestion d’une CTD. Nous avons des formateurs qui travaillent au sein de l’INDDL mais aussi des formateurs externes comme des techniciens venant des ministères ou des techniciens venant de l’université. Les partenaires techniques et financiers nous appuient également en apportant leurs expériences.
Devant les lacunes qu’on rencontre dans les CTD, les formations ne devraient-elles pas être systématiques ?
La formation devrait être systématique. C’est pour cela qu’on établit chaque année un plan de renforcement de capacité pour les CTD. Mais en tant qu’établissement public administratif, nous sommes sous la tutelle du ministère de l’Intérieur et de la décentralisation. C’est ce ministère qui nous donne des subventions. C’est vrai que nos moyens sont limités mais ce n’est pas aussi handicapant que cela. Nous essayons de bien structurer notre calendrier de formation pour que certaines priorités passent avant. Actuellement, nous pouvons dire que nous travaillons bien malgré ces problèmes financiers. Nous essayons de surpasser cela et grâce aux partenaires techniques et financiers, nous essayons d’appuyer le maximum de communes. Sinon, beaucoup de communes nouent des partenariats intéressants qui leur permettent de faire appel à nous.
Ces derniers temps des maires impliqués dans des scandales financiers ont fait couler beaucoup d’encre. Dans quelle mesure cette situation est-elle liée au manque de capacité des élus ?
Il existe des communes qui ont du mal à gérer leurs ressources surtout les ressources financières. Effectivement, il y a des maires qui se sont fait emprisonner, impliqués dans des malversations. Certains de ces maires ne savent pas ce qu’ils font. Ils signent par exemple des documents qu’ils ne devraient pas signer, ils engagent la responsabilité des communes. Il y a des procédures à suivre pour faire telle ou telle chose. Comme ils ignorent tout cela, ils sont tombés dans le piège de leurs propres initiatives. Pour pallier à cela nous apportons des formations dans des domaines bien précis comme la gestion financière, le marché public, la confection du budget de programme et tout ce qui concerne les finances. Nous essayons de les appuyer et d’apporter notre expertise par rapport à cela. Ce n’est pas d’ici au lendemain que nous arriverons à former toutes les communes de Madagascar. D’un autre côté, la politisation de l’administration est aussi un facteur de blocage. Un maire qui se sent bien dans telle ou telle couleur politique fait abstraction des procédures, parce qu’il pense être protégé politiquement. C’est pour cela que le Bianco apporte aussi sa part dans la formation des maires. Nous travaillons avec le Bianco pour aider les maires à mieux gérer leur commune mais c’est un travail de longue haleine.
Normalement, nous devons avoir des élections communales bientôt. Avez-vous quelque chose de prévu pour les nouveaux maires ?
Avec les élections communales qui vont arriver, nous préparons d’ores et déjà un package d’outils pour les nouveaux maires. L’idée est de leur proposer un kit qui contient le b.a.-ba de leurs responsabilités. Cela devrait aider les nouveaux élus à mieux gérer leur collectivité. Nous sommes en train de préparer cela avec nos partenaires et nos formateurs. Il y a encore du travail à faire.
Devant les lacunes des élus, certaines voix parlent d’imposer des critères aux candidatures. Qu’en pensez-vous ?
Il est vrai que certains disent qu’il faudrait mettre des critères pour avoir des maires qui ont des diplômes ou des connaissances. Mettre des critères à part ceux qui existent dans la loi est anticonstitutionnel. La Constitution veut que tout le monde puisse se porter candidat à condition d’être malgache, d’avoir l’âge requis ou de ne pas être condamné. C’est pour cela qu’il faut renforcer la formation des maires pour qu’ils soient aptes à diriger leur collectivité.
Propos recueillis par Tolotra Andrianalizah
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Manana anjara lehibe amin’ny fitsinjaram-pahefana ny Institut de la décentralisation et du développement local satria ity rafitra ity no manome fanofanana ireo ben’ny tanà na.