En partenariat avec le Studio Sifaka, le programme de soutien à la société civile malgache, Fanainga, a organisé hier un débat sur les formes de violence dans les ménages ou dans la société en général, durant cette période de crise sanitaire. Même constat que dans le reste du monde à Madagascar, la violence a augmenté depuis le début du confinement.
Le taux de violences ménagères a toujours été élevé à Antananarivo, selon Sitraka Nantenaina, membre de C-for-C. Cela inclut la violence conjugale et celle faite aux enfants. Le confinement a davantage aggravé cette situation. L’ONG a effectué des enquêtes auprès de plusieurs fokontany de Tananarive. Elle a, par exemple, constaté qu’à Andohatapenaka, ce taux de violence ménagère est monté à 80% en avril dernier, contre 30% en 2019.
« La majorité des Tananariviens travaillent dans l’informel. N’ayant plus de revenu, ils sont envahis par le stress et deviennent plus violents. Ce n’est pas pour justifier ces comportements, c’est juste un constat », explique Sariaka Nantenaina. La Secrétaire exécutif de l’Réseau Tihava, le Dr Nicole Noro Ramananirina, est du même avis. Elle ajoute que « les chômeurs sont en situation de faiblesse. Par conséquent, ceux qui travaillent démontrent par la violence que ce sont eux qui dirigent à la maison. »
« Tokantrano fihafihana, tokantrano tsy ahahaka »
Généralement, les victimes à Madagascar ne dénoncent pas. Le Dr Nicole Ramananirina pense que c’est une question de culture. Les femmes malgaches sont habituées à se taire et pensent qu’elles sont, en partie, responsables des violences qu’elles subissent. On manque également de structure de prise en charge et les femmes n’ont pas confiance en la justice.
De son côté, Sariaka Nantenaina avance que le fokontany est plus proche et plus accessible aux Malgaches dans ce genre de situation. Les victimes n’osent pas aller au-delà de cette structure. Il leur est difficile de porter plainte à l’encontre de leur conjoint. C’est aussi une question de dépendance, puisque ce sont souvent les hommes qui travaillent. Par peur de ne plus avoir de source de revenu, les femmes n’osent donc pas porter plainte.
Conscientiser les victimes et les auteurs de violence
Les violences, qu’elles soient physiques, verbales ou économiques, rabaissent les victimes et ont un impact sur leur comportement. Elles vont se créer elles-mêmes des barrières qui les empêchent de s’épanouir. En réponse à ce problème, le Réseau Tihava écoute d’abord les victimes. Puis, il va vulgariser les lois en vigueur concernant les violences. « La connaissance de la loi réduit la peur et augmente la confiance et l’estime de soi. Après cela, les victimes osent enfin prendre un certificat médical chez le médecin et porter plainte à la police », affirme le Dr Nicole Ramananirina.
Mais les lois ont leurs limites. « La loi sur le mariage protège par exemple les couples passés par le mariage civil. Alors qu’ici, beaucoup n’en sont qu’au Vodiondry », regrette Sitraka Nantenaina. Il faut donc plus de sensibilisations à l’endroit des victimes mais aussi des auteurs de violences. C’est d’ailleurs ce que fait l’ONG C-for-C. Elle écoute les auteurs de violences, des hommes pour la plupart, et les prennent en main pour qu’ils puissent prendre conscience et entamer le changement de comportement.