Jean Kinnear Betsara, dit Kenny, a fait ses premiers pas dans la société civile en rejoignant le club Vintsy quand il était au collège. De fil en aiguille, il a découvert tout un monde, mais aussi, toute une bataille à mener pour offrir un avenir meilleur à la jeunesse malgache. Aujourd’hui, à 26 ans, ce YLTPien est le coordonnateur régional du Kmf/Cnoe région Atsinanana. Interview.
Studio Sifaka : Est-ce que vous pouvez définir simplement ce que c’est la citoyenneté ?
Jean Kinnear Betsara  : La citoyenneté est le statut juridique d’un individu aux yeux d’un pays, c’est le lien qu’il entretient avec un pays ou une nation. Dans cette relation, la personne concernée jouit de plusieurs droitsqui donnent ensuite lieu à des responsabilités. La citoyenneté se traduit donc par l’ensemble des droits et obligations réciproques entre un Etat et un individu.
Vous êtes acteur dans la Société civile depuis quelques années, comment décrivez-vous le rapport de la jeunesse malgache avec la citoyenneté ?
Madagascar se compose d’une population très jeune. Mais en réalité, on ne s’investit pas assez dans cette jeunesse et ce, malheureusement dès l’enfance. Plus exactement, on ne prépare pas assez les jeunes à affronter leur vie future et à assumer leurs responsabilités. Au lieu d’avoir des jeunes proactifs, avec un background et une éducation solides, on a des jeunes qui se sentent un peu désorientés et en manque de confiance. Par conséquent, les jeunes sont absents dans la prise de décision sur la vie politique.
Je prends, par exemple, la situation électorale. En 2018, la CENI a publié dans son rapport que la participation des jeunes à l’élection présidentielle ne dépassait pas les 40%. Fait étonnant mais comment en vouloir à la jeunesse. Elle est en manque de modèle et de repère, et par conséquent, vit avec une perception erronée de la citoyenneté.
A quel modèle et à quel repère faites-vous allusion ?
Je parle de l’absence d’une idéologie, à commencer par la vie familiale où l’on préfère châtier et « faire la morale » plutôt que d’essayer de comprendre les choses, de responsabiliser les enfants et trouver une solution ensemble. Et ça s’étend jusque dans la vie politique. Est-ce que les jeunes savent, par exemple, quelle est la ligne directrice de la politique générale de l’Etat ? Prennent-ils le temps de savoir si les actions du gouvernement sont cohérentes à celle-ci ?
SF : Quels peuvent être les atouts de la jeunesse malgache, quand on parle de citoyenneté ?
Notre situation démographique qui fait que nos jeunes représentent plus de la moitié de la population malgache. On peut faire le poids si on apprend à se soutenir et à se battre ensemble.
Nos jeunes sont aussi dynamiques et créatifs. Rien que ces deux qualités peuvent suffire à faire changer les choses. Mais à part ça, notre culture multidimensionnelle peut constituer un atout énorme pour les jeunes. Il faut juste leur donner les moyens de se rapprocher, de se comprendre mutuellement et de s’exprimer. Je vois de plus en plus de jeunes qui s’intéressent à la poésie, au slam, au chant etc. Cela veut dire qu’ils comprennent le pouvoir de parler, le pouvoir des mots. Et imaginez qu’ils utilisent ces moyens pour parler au nom de leur communauté et défendre leurs droits.
SF : Quels ajustements faut-il faire  ?
Premièrement, le gouvernement devra essayer de répondre à ces deux questions : quel est le modèle politique qui existe de nos jours et qu’est-ce que les jeunes veulent vraiment ? Il faut ensuite trouver la meilleure combinaison aux réponses apportées. C’est-à -dire concilier ce qui se fait théoriquement d’un côté et les attentes des jeunes, de l’autre. En parallèle, il est nécessaire de mettre une structure à la portée des jeunes malgaches, de leurs intérêts, de leur culture. Â
Deuxièmement, le rôle le d’Etat et de la société civile est d’éduquer nos jeunes, leur donner les connaissances nécessaires pour faire le bon choix. À commencer par l’histoire de Madagascar. Je pense qu’une certaine génération a grandi avec une fausse version de notre histoire, réduite à des conflits politiques et conflits ethniques. Il est temps de corriger ça et d’aider les jeunes à faire la paix avec leur identité. C’est de cette façon qu’on peut espérer avoir des jeunes engagés, véritables acteurs de changement.
Propos recueillis par Tsanta Haingombaliha