La France a-t-elle répondu lundi au Président de la République de Madagascar, Andry Rajoelina ? En interview sur France 24 et RFI, le 11 mai, le chef de l’Etat malgache a rappelé qu’il demande toujours la souveraineté sur les Iles Eparses. Le même jour, certains commentateurs – hâtifs – ont cru lire, à Madagascar, une réponse de Paris sur le site internet d’un ministère français. Démontage d’un faux complot.
La vie politique est parfois faite de chassés-croisés et de coïncidences que certains sont tentés d’interpréter un peu vite. La semaine écoulée offre un bon exemple de ce précipité en 3 actes sans complot.
Acte 1 : Interviewé sur France 24 et RFI, le 11 mai, le chef de l’Etat malgache a parlé essentiellement du Covid Organics. Au bout de l’entretien, une dernière question lui a été posée sur l’épineux dossier des Iles Eparses. Originellement, un accord avec la France était espéré au 26 juin. Le président Rajoelina : Madagascar demande « la souveraineté de ces îles », leur « restitution ». Par conséquent, pas de cogestion.
Acte 2 : Le site du Ministère français de la Transition écologique ouvre, dans la plus grande discrétion, une consultation publique sur un projet de décret pour faire de l’archipel des Glorieuses une réserve naturelle. Le démarrage de cette consultation est fixé au 11 mai, le même jour que l’interview du Président Rajoelina.
Acte 3 : Il n’en fallut pas moins pour faire répandre un début de rumeur à Madagascar, dans la plupart des journaux à Madagascar, selon laquelle il s’agissait d’une riposte de Paris contre la déclaration du Président. Pour les théoriciens du complot, il n’y a pas de coïncidence. Le bon sens et les quelques informations factuelles permettent, cependant, de douter, en l’occurrence, du bienfondé de leurs soupçons.
D’abord, l’idée de classer les Glorieuses parmi les réserves naturelles ne date pas du 11 mai. Le 23 octobre 2019, déjà , le Président de la France avait fait une déclaration publique dans ce sens. Ensuite, cette consultation informelle n’a pas de validité politique, juridique et ne pèse pas lourd. Une consultation publique, c’est une action qui vise à informer la population – à recueillir ses observations ou son avis par rapport à une décision que le gouvernement s’apprête à prendre. Donc, ici le gouvernement français demande à sa population si elle est d’accord avec la décision de transformer l’archipel des îles Glorieuses en une réserve naturelle. Pourtant, selon Hugues Rajaonson, enseignant chercheur en science politique à Madagascar, "ce projet de décret que le gouvernement français veut faire aboutir ne devrait pas encore être applicable sur les îles Glorieuses ».
Mais surtout, depuis le mois de mars 2020, la France a la tête ailleurs : 27.500 personnes sont décédées de la Covid-19 tandis qu’une crise économique majeure se prépare. Il est permis de penser que les 7 km2 d’atoll des Iles Glorieuses ne sont pas la priorité pour la France. A y regarder de près d’ailleurs, sur le site en question, le « Rapport de présentation Réserves Naturelles sur les Glorieuses » datait du 4 mai. Soit, une semaine avant l’interview. En principe, la consultation publique est prévue le 1er juin. Mais comme l’a rappelé le Président Rajoelina, les discussions entre Paris et Tananarive sur ce dossier ont pris du retard « La deuxième réunion de la commission mixte était prévue fin mars. Mais elle a été ajournée à cause du coronavirus » a déclaré le Président de Madagascar.
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