A force d’être confinés chez soi durant une période plus ou moins longue, nous avons adopté le style de vie des « hikikomoris ». Ce sont des jeunes japonais qui aiment rester cloîtrés chez eux. Pendant que d’autres s’y attachent, certains n’arrivent pas à s’y habituer.
Le mot hikikomori veut dire « se cloîtrer à son domicile ». Avons-nous développé des traits d’hikikomoris ? La réponse est « oui et non ». Mais d’abord, qu’est-ce que c’est un hikikomori ? Ce sont à la base ces jeunes japonais isolés de la société au début des années 1990, à cause de la crise financière qui a éclaté dans le pays à la fin des années 1980. Ils étaient en majorité des hommes de moins de 30 ans, chômeurs donc, et habitaient toujours chez leurs parents, à cause de la crise. De ce fait, ils ne mettaient jamais les pieds dehors, par peur du regard de la société ou tout simplement par habitude. Ils n’allaient ni à l’école, ni au marché, ni au restaurant. Ils ne fréquentaient personne et n’avaient pas de projet professionnel. Regarder la télé, jouer aux jeux vidéo qui étaient en plein essor étaient leurs activités principales, soit être scotchés à leurs écrans. Plus tard les téléphones sont apparus, et l’objet a fait partie de leur quotidien.  « Pour être considéré totalement comme un hikikomori, il faut avoir passé au moins six mois chez soi sans avoir quitté sa maison. Les hikikomori inversent le rythme jour-nuit, ils dorment le jour et sont éveillés la nuit. Ils perdent la notion du temps. Les hikikomori aiment l’écran mais contrairement à nous, ils ne fréquentent pas les réseaux sociaux», explique Riaki Sarah, présidente de l’association Mangekku, un club spécialisé dans la culture japonaise à Madagascar.
Thérapies échouées
Des travailleurs sociaux ont essayé de les faire sortir de cette situation, à travers des thérapies et des programmes de réinsertion professionnelle mais sans résultat concret. « Avec le temps, le phénomène hikikomori touche non seulement les jeunes mais aussi les adultes et a fini par toucher les jeunes filles aussi. Ce style de vie est devenu un cas social au Japon. Après, c’est devenu un cas mondial et existe dans chaque société. Les psychologues ont fini par considérer ce phénomène comme un trouble psychologique lié à un sentiment de non appartenance à la société », continue Riaki Sarah.
Avec la pandémie et le confinement
Le confinement de l’année 2020 a été marquant pour tous. Nous avons été privés d’escapade. Les livraisons à domicile sont devenues nos principaux moyens de nutrition et de consommation. Le télétravail nous a scotché à nos écrans, un peu comme les hikikomoris.
Certains d’entre nous ont apprécié ce mode de vie. Tel est le cas de Haja.  « J'apprécie encore le confinement. Le fait de pouvoir optimiser mon temps libre et de prendre du temps pour moi. Normalement on passe en moyenne 3 heures par jour dans les embouteillages. J’ai eu plus de temps pour d'autres activités (bricolage, jardinage etc.) et moins de stress lié au train-train quotidien ». D’autres, comme Tojo, ne l’ont pas bien vécu. « J'ai détesté le confinement parce que mes voisins faisaient du tapage diurne tout le temps, le confinement était invivable. Je détestais rester à la maison. »
Pour les hikikomoris, c’est un choix de se retirer de la société, pour nous, cela a été imposé à cause de la pandémie. « Ce qui nous différencie des hikikomoris en fait, c’est qu’ils ne travaillent pas à domicile. En plus, les hikikomoris sont jugés négativement par la société au Japon », souligne Riaki Sarah. Â
Selon la psychologue organisationnelle, Hajo Miora Rambinintsoa, la dépression constitue le plus grand risque d'un confinement sur une longue période. « Cela varie d’un cas à un autre, les personnes introverties sont plus à l’aise, par exemple quand elles sont seules. Il y a aussi les schizoïdes qui sont désintéressés des relations humaines. Ces personnes ont de très grandes capacités de détachement. Mais le risque est plus élevé chez les personnes dépressives. C’est ce que nous avons vécu avec le confinement, on n’a pas eu d’échappatoire, le taux de violence conjugale a connu une hausse ». La psychologue conclut que limiter les relations sociales empêche l’ouverture et l’épanouissement d’une personne.Â