Un duel entre le stylisme et la confection plane depuis longtemps,  accentué davantage par le contexte de la COVID-19 à Madagascar. Beaucoup de confectionneurs textiles se sont appropriés le titre de styliste, au détriment des professionnels. Et ce n’est pas tout, ces « pirates » leur phagocytent une grosse part de marché.
Le coronavirus a instauré la reconversion professionnelle dans presque tous les secteurs. Le monde de la couture n’y a pas échappé. Sur les réseaux sociaux, environ une vingtaine de pages, orientées vers la confection textile mais sous le titre de stylisme, ont vu le jour, leur objectif étant d’avoir plus de visibilité pour écouler leurs produits à des prix défiants ceux des produits des stylistes de renom.
L’auto-proclamation « styliste »
L’appellation « styliste » fait vendre. « Les confectionneurs textiles s’auto-proclament « stylistes » à des fins purement commerciales et trompent les acheteurs avec ce titre », dénonce Michael Vida, créateur de mode, styliste et également designer depuis 2005. « Il n’est pas rare qu’ils arrivent à impressionner la clientèle et vendent leurs produits de confection, après avoir copié les modèles de nos collections ».
Mais les férus de mode et de haute couture sont généralement alertés par le coût plutôt bas par rapport aux offres de stylistes de renom et ne tombent pas dans leurs filets. Par contre, ceux qui sont à l’affût du prêt-à -porter se satisfont des offres à bas prix des confectionneurs textiles, le plus important pour eux étant de porter des vêtements copiés sur des modèles d’une collection. Tel est le cas de Nampoina, jeune étudiante. « Tant que je peux porter un vêtement qui ressemble à celui d’un créateur que jamais je ne pourrais payer, je suis contente. Il suffit que je demande à ma couturière de réaliser un modèle que j’imprime sur du papier-photo et le tour est joué ».
Reproduction
Des patrons, des dessins, des bouts de tissus, quelques fils et une machine à coudre. C’est le profil type d’un atelier de couture standard. Un métier que Hery, couturier, qualifie de « pas facile » car même s’il crée ses propres modèles, d’après lui, « l’inspiration se calque sur des modèles existants sur Internet et la clientèle aime les reproductions bien faites. Je suis styliste parce que j’additionne mon style aux modèles que je vois et je m’en inspire. Cela fait de moi un styliste. Et comme j’arrive à vendre mes produits, j’estime que réussis dans mon domaine ».
Cependant, pour Michael Vida, « pour être styliste, il ne suffit pas juste de faire du copier-coller et de reproduire nos modèles même s’il faut s’inspirer pour créer, sans compter que nous avons étudié pour arriver là où nous en sommes. Le problème est que les acheteurs ne font pas vraiment la différence entre la création d’un styliste et une reproduction. La valeur créative de nos modèles est rabaissée ».
Face aux produits textiles de confection dits « issus de stylistes » qui gagnent du terrain, le manque de structure proprement dite pour protéger les reproductions « pirates » n’aide pas les professionnels.
Rendre à César ce qui est à César
Cela n’a pas rebuté Andrianina Rasolomampionona, jeune styliste fraîchement lancée dans le domaine, en plein contexte de COVID-19. « Si j’ai récemment été sollicitée pour faire des créations pour des défilés, c’est que les modèles des stylistes apportent une plus-value par rapport aux produits des confectionneurs. Ces derniers ne pourront pas s’attribuer ce mérite en reproduisant des créations », a-t-elle affirmé, lors de son premier défilé, samedi dernier, à la Bibliothèque nationale.
Ses créations inspirées de la nature, elle affirme que « sa touche créative, les confectionneurs ne peuvent pas aisément se l’approprier car ce sont les petits détails qui font la beauté des créations des stylistes, qui entre eux, savent la déceler ». Sans oublier la passion, commune aux stylistes, Michael Vida renchérit qu’être styliste « c’est aussi faire le lien entre la mode d’antan et la contemporaine et, bien évidemment insuffler sa passion dans ses œuvres ».
« Chaque détail, chaque style, chaque modèle a une signification particulière pour un styliste. On ne crée pas juste pour créer, on partage notre histoire, notre passion et on la fait porter aux autres. Cela fait la différence avec les reproductions », termine Andrianina Rasolomampionona.
Linda Karine