« Les mots sont importants, car ils affectent notre façon de conceptualiser les problèmes, d’accorder la priorité à certains problèmes, et d’élaborer des réponses ». C’est par ces mots que le guide de terminologie, initié par le Ministère de la Justice en mars 2021, martèle l’importance de l’ajustement du vocabulaire commun à utiliser, lors de la session de formation des acteurs sur la protection des enfants contre l’exploitation et l’abus sexuels, s’étant tenue à Antananarivo du 13 au 14 octobre dernier.
Une activité parmi tant d’autres avec le PAESEL ou la Prévention des Abus et Exploitations Sexuelles des Enfants en Ligne, cette formation a été organisée par l’ONG ECPAT France-Madagascar, en collaboration avec Ministère de la Justice et Unicef. Le fruit de cette collaboration a permis l’adoption de ce guide pratique à Madagascar sur la terminologie utilisée dans la lutte contre l’AESEL, inspiré du guide de terminologie pour la protection des enfants contre l’exploitation et l’abus sexuels adopté et accepté, par de nombreuses entités, au niveau international.
Des sessions de formation pour les acteurs
Depuis le 24 août, des cascades de formations se tiennent dans 6 régions, notamment Antananarivo, Toamasina, Mahajanga, Toliara, Nosy Be et Taolagnaro, pour une meilleure harmonisation et appropriation du vocabulaire adéquat et commun, que les acteurs œuvrant autour de la violence sur les enfants doivent utiliser afin de ne pas les stigmatiser. La dernière session aura lieu à Antananarivo, au cours de la semaine du 25 octobre.
Le Réseau de Protection de l’Enfance, les journalistes, les enseignants, le corps médical, le tribunal, les forces de l’ordre de la capitale, ont été sollicités pour participer à la récente formation, cette semaine.
Selon Tokinirina Rakotoarimamana, formateur au sein de ECPAT France à Madagascar, « avant de parler de violence sur les enfants, les acteurs concernés doivent maîtriser les termes professionnels exacts pour les utiliser à bon escient. Cela a pour objectif de mieux préciser les faits et de les remettre dans leurs contextes réels mais aussi de ne pas blesser les enfants en les violentant ».
A Madagascar, entre 2019 et début 2020, une étude sur 1.502 enfants âgés de 9 à 17 ans, vivants à Antananarivo, Toamasina, Mahajanga, Toliara, Nosy Be et Taolagnaro a révélé que 78.3 % des enfants utilisent internet, dont 55,2% sont composés de filles et 44,8% de garçons. Face à l’utilisation d’internet sans surveillance, « 44,4% des enfants enquêtés utilisant internet ont vécu au moins une expérience d’Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne », selon les études de l’ECPAT France à Madagascar.
Néologisme et nouveaux maux
Les chiffres issus de l’étude réalisée par l’ECPAT France à Madagascar parlent d’eux-mêmes : l’utilisation de nouvelles technologies hors surveillance parentale semble avoir favorisé de nouveaux maux dans les faits accomplis par les auteurs de violence sexuelle sur les enfants.
Le streaming d’abus sexuel sur enfants s’élève à 2%. Il s’agit de réalisation de vidéo à caractères sexuels par des enfants en direct sur internet.
Le sexting est également à la hausse. 43,1% des enfants questionnés affirment avoir reçu des contenus à caractères sexuels sur internet tandis que 5,4% ont en envoyés. Le rapport souligne que 65,2% des messages reçus et/ou envoyés par les enfants sont adressés et/ou envoyés par des amis.
En ce qui concerne la sextorsion, 2,9% des enfants en ont déjà fait les frais. Dans 24,2% des cas, les auteurs de sextorsion sollicitent les enfants pour des relations sexuelles et 15,2% veulent recevoir encore plus de photos et/ou des vidéos à caractères sexuels.
Pour ce qui est du « Online grooming » ou de la sollicitation d’enfants pour parvenir à des fins sexuelles, 69% des enfants enquêtés y ont déjà été confrontés par des inconnus. Parmi eux, 31,1% ont confirmé avoir eu un rendez-vous avec un de ces inconnu(e)s dont 49.8% avec des personnes ayant plus de 18 ans.
Pour rappel, Madagascar dispose d’un numéro vert, le 147, pour signaler les cas de violence sur les enfants en ligne. L’abus et l’exploitation sexuels des enfants en ligne n’est qu’une forme de violence sexuelle parmi d’autres maux.
Linda Karine