Les yeux du monde entier sont plus que jamais rivés sur Madagascar. En marge de la COP26, le cas de la Grande Ile est tristement soulevé dans les débats autour du climat. La famine qui frappe le sud du pays est la première directement imputée au réchauffement climatique. Concrètement, qu’est-ce que Madagascar peut espérer de ce rendez-vous ?
« Mes compatriotes endurent le tribut d’une crise climatique à laquelle ils n’ont pas participé ». Ces mots sont ceux d’Andry Rajoelina, sur la tribune de la COP26 à Glasgow. Comme un symbole, ces mots sont aussi du président du premier pays à souffrir de la famine directement imputée au réchauffement climatique. La « seule », précise le directeur adjoint du PAM à Madagascar, Aduino Mangoni. Il existe des famines dans d’autres pays d’Afrique mais elles sont imputables à des conflits armés comme celle au Soudan du sud ou dans le Tigré.
S’adapter ou mourir
Ces dernières semaines, le cas de Madagascar est repris sur les plateaux de télévision à l’étranger. Les militants écologistes se donnent à cœur pour citer le sud de l’île pour étayer leurs argumentaires. Concrètement, qu’est-ce que des pays comme Madagascar peuvent attendre de la COP26 ? « De vraies solutions. Depuis quelques années la COP nous propose des fausses solutions. Les pollueurs insistent à ne pas réduire leurs émissions de GES (gaz à effet de serre) et ont lancé le fameux marché carbone pour nous séduire avec du beau pactole. Le but est de nous inciter à séquestrer leurs surplus d'émissions. Nous devant, tout ça, essayons de reboiser et éviter la déforestation pour encaisser ce beau pactole. En théorie c'est parfait, mais la réalité est que nous ne savons pas contrôler nos déboisements », lance le défenseur de la justice climatique, Hajatiana Randrianomenjanahary. Ce dernier insiste sur la nécessité pour Madagascar de s’adapter. « Il s’agit de s’adapter ou mourir. Le peuple a besoin d'alternatives car il subit déjà les premiers effets de ce fameux changement climatique. Sècheresse, Famine, Migration et bien d'autres. Madagascar doit attendre des plans et promesses d'adaptation plus qu'autres choses de ces dirigeants mondiaux », ajoute-t-il.
Si la délégation malgache a proposé des pistes en vue de cette adaptation, Hajatiana Randrianomenjanahary va plus loin en indiquant que ces plans doivent être au cœur des discussions de la COP. « Les ministères ont surement emmené des plans d’adaptation. Je ne sais pas s’ils sont optimaux. Mais même si les pays n'ont pas de plans d'adaptation précis, face à cette urgence, il faut que les parties discutent et proposent des plans selon les données du dernier rapport du GIEC ».
Le financement reste cependant le nerf de la guerre dans cette lutte contre le réchauffement climatique. Le président Andry Rajoelina a d’ailleurs plaidé pour l’accélération de la mobilisation des 100 milliards de dollars mentionnés dans l’Accord de Paris en particulier pour financer la transition énergétique en Afrique. Il faut savoir que si les pays africains sont les plus vulnérables au changement climatique, ils n’ont bénéficié que 26% des financements climatiques, soit 18.5 milliards de dollars par an, note Le Point Afrique.
Que du business
« Que nos fonds d'adaptation soient décuplés en matière de gestion des ressources en eau, nutrition, agriculture résilient face au climat et filet social de sécurité pour gérer les migrations », lance d’ailleurs Hajatiana Randrianomenjanahary à cet effet. Quoi qu’il en soit, il affirme partager en partie l’avis des militants écologistes comme Greta Thunberg qui qualifie déjà la COP26 d’ « échec » qualifiant la conférence de « célébration du business ». « C'est de la diplomatie entre des personnes qui ont beaucoup à perdre dans la vraie transition écologique. Des gouvernements qui dépendent de la surconsommation, des industries pétrolières qui veulent défendre leur or noir etc ... C'est plus du lobbying pour qu'aucune de ces parties ne soit perdante et donc aucune décision radicale pour l'écologie ne sera prise », déplore Hajatiana Randrianomenjanahary. Des propos confirmés à demi-mots par Max Fontaine, sur place. « Les médias sont beaucoup plus intéressés par Madagascar que ne le sont les parties durant les négociations », déclare le représentant de la jeunesse malgache à la COP26. « Les médias s’en servent pour montrer que le changement climatique a des effets dès aujourd’hui mais les négociateurs, en tout cas les salles où j’étais, ont d’autres priorités. Et ça n’est pas très étonnant », ajoute-t-il. Il indique toutefois que la présence à la COP26 est nécessaire pour Madagascar. « Il faut se battre. Ce n’est pas parce qu’on est vulnérable que l’on va tout nous servir sur un plateau d’argent. Il faut se battre pour chercher ce qu’on veut », conclut le fondateur de l’entreprise sociale Bondy.
Tolotra Andrianalizah