À quelque kilomètres de la ville d’Antananarivo, dans l’écolieu qu’est la Ferme d’Ambohimanga, Anja Andriantsiresy fait de la permaculture. Pour beaucoup, la permaculture s’arrête au concept de l’agriculture permanente, mais pour Anja Andriantsiresy, il s’agit d’une philosophie de vie. « C’est prendre soin de la terre, de soi et de l’humain, dans le respect de chacun et dans un esprit de partage équitable et de manière durable », selon lui.
Studio Sifaka : Quand on parle de permaculture, de quoi il en retourne exactement ?Â
Anja Andriantsiresy : Il s’agit d’un système de culture basé sur les modes de production des sociétés traditionnelles, mais que nous avons perdu lorsque la société a commencé à voir le développement et le progrès industriel. Saviez-vous qu’auparavant, nos ancêtres savaient pertinemment ce qu’il fallait planter dès que la saison de pluie arrive ? Maïs, arachide, patates… ; en somme, un choix de cultures qui relate quelque part les stratifications ou l’écosystème que l’on retrouve dans une forêt : les grands arbres protègent ceux qui sont plus petits et ces dernières améliorent la qualité de la terre. En fait, la permaculture, c’est savoir comprendre et mettre en pratique ce système naturel de la forêt. Chaque élément doit tenir compte du « tout » ou de l’ensemble. Mais c’est surtout savoir revenir à l’équilibre naturel pour vivre de la nature et en symbiose avec elle.
Donc, en pratique, comment faire de la permaculture ?
En permaculture, chaque choix de culture doit se faire dans le respect respect et en fonction des indices environnementaux, mais aussi en tenant compte de l’importance et de la place de chaque élément dans l’ensemble naturel. Et il ne s’agit pas seulement d’un concept d’agriculture. La permaculture, c’est aussi une philosophie de vie que l’on peut reprendre au sein la société : c’est la « permaculture humaine ».
Qu’entendez-vous par permaculture humaine ?
C’est appliquer la loi de la nature, de la forêt, dans la vie de tout être vivant. Il faut corriger la pensée erronée sur ce qu’est la loi de la jungle. Nous considérons souvent que la loi de la jungle, c’est la loi du plus fort, mais au contraire la loi naturelle de la jungle, c’est cette forme de stratification, de coexistence, d’interdépendance, d’intercoopération, interrelation… Cette façon de penser existait déjà depuis la nuit des temps, à l’exemple de quelques éléments tirés de la sagesse ancestrale : « trano atsimo sy avaratra », « tongotra miara-mamindra »… En ce sens, la permaculture ne s’arrête pas à cultiver la terre, elle se base également sur une éthique et une façon de penser.
Cette éthique, pourriez-vous nous la partager ?
L’éthique de la permaculture comprend trois points : prendre soin de la terre, prendre soin de l’humain et le partage équitable. En fait, l’essence même de l’écolieu qu’est la Ferme d’Ambohimanga se base sur ces trois repères. Nous faisons de la permaculture et de la conservation d’espèces, mais c’est aussi un lieu de partage pour ceux qui aimeraient en apprendre davantage sur ce qu’est réellement la permaculture. Le problème est qu’actuellement, l’Homme veut maîtriser ou gérer la nature, alors qu’il n’est qu’un élément dans cet ensemble. Avec la permaculture, on peut réapprendre à observer cette nature, à réagir avec elle de manière créative et dans le respect de l’ordre naturel. Cela nous apprendra, par la suite, à également prendre soin de nous-même et des autres.