L’artiste Talike Gellé, native d’Ifotaka, dans le district d’Amboasary Atsimo, a créé il y a un an et demi une association appelée Soa Kanto Malagasy. Elle est actuellement sur le terrain pour apporter de l’aide aux localités les plus touchées par la famine dans le Sud. A travers cette interview, elle livre son ressenti par rapport à la situation.Â
Studio Sifaka : Vous avez partagé des photos poignantes de ce qui se passe dans le sud. Quels étaient vos sentiments ?
Talike Gellé : C’était dur. C’était vraiment dur de voir les enfants. Il y a certaines photos que j’ai préféré ne pas publier pour préserver la dignité de ces personnes.
Pouvez-vous décrire ce qui se passe actuellement dans cette partie de l’île ?
Les gens n’ont plus rien à manger. Il y a cette photo où on les voit manger un mélange de tamarin et de cendre. Ils en font une mixture à base d’eau. On est arrivé à un stade vraiment élevé. Les gens mangent cela juste pour ne pas rester le ventre vide pourtant c’est toxique. Il n’y a plus rien. Ils ont même terminé les semences. Ils ont également tout vendu, des vêtements aux ustensiles de cuisine. Les gens n’ont que ce qu’ils portent sur le dos. Rien que la commune de Mahabo par exemple dans le district d’Amboasary Atsimo ce sont 5.000 personnes de 1.020 foyers qui ont besoin d’aides d’urgence.
Comment expliquez-vous la situation ?
Je suis consternée par certains commentaires sur les réseaux sociaux. Beaucoup de personnes ne savent pas ce qui se passe dans le Sud. Le problème est l’eau. Le Sud a besoin d’eau. Pour Tsihombe, par exemple, la pluie n’est pas tombée depuis 8 mois. Il faut concentrer les efforts sur l’approvisionnement en eau. Pourquoi dans certains pays, on a pu acheminer l’eau jusque dans le désert. Madagascar a pourtant beaucoup d’eau. Personnellement, je pense qu’il n’y a pas assez de volonté à aller dans ce sens.
On raconte souvent que la terre dans le Sud est pourtant fertile. Est-ce vrai ?
Oui. Quand la pluie arrive à point nommé, cela a rimé avec « abondance ». Non seulement la terre est fertile mais elle est vaste. Les gens vivent essentiellement de l’agriculture et de l’élevage. Le changement climatique pose vraiment problème. Puis il y a l’insécurité. Je dirais que c’est l’autre cause de la famine.
Pouvez-vous en dire plus ?
Lorsque les ménages sont en difficulté, comme ce qui se passe actuellement, ils vendent un ou deux zébus pour acheter de quoi manger. La réalité c’est qu’on peut passer à la précarité du jour au lendemain après une attaque de « malaso ». Parmi les gens qui souffrent actuellement de famine, il y a des personnes qui étaient relativement aisées.
L’espoir est-il encore permis ?
Sans espoir, on ne serait plus là . Comme je l’ai dit, il suffit juste de fournir de l’eau. L’eau, on peut l’acheminer ou la trouver dans le sol. Je réitère qu’il faut une volonté politique mais aussi de la solidarité. On doit unir nos forces pour trouver une solution durable.Â