Joely Kely. Une figure qui n’est sans doute pas passée inaperçue aux yeux des facebookers depuis 2020, de par ses mots percutants, ses yeux innocents et sa bouille angélique, il a réussi à rassembler 153.748 followers autour de son humour, de ses coups de gueule et de ses sensibilisations, pour des changements positifs de mentalité. Interview.
Studio Sifaka : Pouvez-vous vous présenter ?
Joely Kely : Je suis Andrianina Rajoelisoa, plus connu sous le nom de Joely. Je suis créateur de contenus et influenceur. En gros, je crée et publie des vidéos sur ma page Facebook « C’est du Joely ». Des vidéos qui, pour la plupart, sont humoristiques jusqu’ici. J’ai des milliers de fololo, ça fait du bien à mon égo (rires)
Comment avez-vous commencé à faire des vidéos ?
Tout a commencé il y a environ un an, de manière assez fortuite. J’ai déjà , depuis longtemps, aimé faire des petites vidéos un peu amusantes sur mon compte Facebook personnel. Et deux ou trois fois, mes vidéos sont devenues virales. Dès lors, j’ai commencé à être suivi par des gens que je ne connaissais pas. J’ai ensuite été sollicité par des marques pour des placements de produits. C’est allé très vite. Mais comme je suis de nature assez discret, je ne voulais pas que des inconnus envahissent mon espace personnel et mon intimité. Alors, j’ai ouvert ma page pour que les deux « mondes » soient séparés. Après j’ai enchaîné les vidéos, j’ai créé des personnages encore et encore. Mais mon personnage signature est certainement Joely Kely.
Pourquoi avoir créé Joely Kely ?
Joely Kely est né accidentellement. Comme un enfant qu’on n’a pas vraiment voulu mais qui, au final, a changé toute notre vie de manière merveilleusement positive. Cet « enfant » est devenu une extension de moi-même. Et je pense qu’une partie de moi s’éteindrait s’il fallait aujourd’hui arrêter de faire vivre Joely Kely. C’est mon super héros. C’est comme Superman et Clark Kent. Il me donne le pouvoir de dire tout haut ce que je pense tout bas. Et de le dire sans avoir à m’en excuser. Je ne sais pas comment j’ai fait avant de le connaître.
Avant j’étais journaliste. Je présentais le journal en version française sur la TVM, je donnais une image sérieuse, j’étais en costard cravate. Et on attendait de moi que je ne fasse pas de bavure à l’écran, que je sois toujours correct, carré. J’ai adoré faire ça, je ne suis pas en train de m’en plaindre. Mais aujourd’hui, on attend surtout de moi que je dise tout et n’importe quoi, tout ce qui me passe par la tête. Et je peux dire que ça change. Ça me libère.
D’où vous vient votre inspiration ?
De mon esprit déluré certainement. Mais surtout de mon vécu, de tout ce que j’ai pu voir dans ma vie. Et de tout ce que je vois encore aujourd’hui dans la société et tout. Je suis un grand observateur. Dans la vraie vie, je parle très peu mais je vois et j’analyse tout. Et je l’exploite tout ça à ma façon. Â
Aimez-vous rire ?
Qui n’aime pas rire?
Préférez-vous rire ou faire rire ?
Je préfère qu’on rie avec moi.
Quels sont vos projets pour vos vidéos ?
Sur le plan lucratif, mon souhait à l’heure où je vous parle est, tout d’abord, d’en faire un métier à part entière. J’ai déjà la chance d’être sollicité par beaucoup de marques et d’entreprises pour des collaborations et des placements et je travaille avec une agence qui gère mes contrats. Mais je voudrais surtout que mes vidéos soient rémunérées par Facebook. Et c’est en fait possible grâce à un outil légal de Facebook. On peut monétiser le nombre de vues. Donc, je trouve que c’est une assez bonne raison pour prendre les choses au sérieux et de l’envisager réellement comme un vrai métier.
Sinon, à plus long terme, ce que je veux, c’est tout simplement m’améliorer de jour en jour. De proposer des concepts et des contenus plus innovants, plus inédits. D’écrire des textes. Le meilleur qu’on pourrait me souhaiter serait de percer en dehors de Madagascar. Ce serait un énorme tremplin pour moi. Je voudrais être comédien, ou comédien voix-off pour faire des doublages de films ou de dessins animés. Comme j’aime bien jouer avec ma voix et la modeler dans tous les sens, ce serait « le kiff » pour moi d’être comédien voix-off. J’adorerais.
Est-ce que vous vous sentez comme un influenceur engagé ?
« Engagé » est un grand mot qui serait malheureusement trop prétentieux dans ma petite bouche. Mais effectivement je ressens ce besoin d’utiliser ma parole publique pour porter des engagements sur des sujets de société. Je suis, par exemple, très à cheval sur la lutte contre les violences basées sur le genre. J’ai déjà fait plusieurs vidéos et plusieurs interventions à ce sujet. C’est un combat qui me tient à cœur. Après, je voudrais aussi m’attaquer à d’autres sujets comme l’environnement ou encore la précarité menstruelle.
Mais pour certains sujets, je sens que j’ai besoin d’être aidé par des structures pour être plus pertinent, afin de mieux agir, parce qu’il ne suffit pas toujours de parler derrière son écran de téléphone. Il faut aussi mener les luttes et les changements sur le front.
L’humour est-il nécessaire pour passer des messages aux jeunes ?
Disons que ça aide beaucoup. C’est de la communication. Et dans la communication, il faut s’adapter, adapter son message, adapter son canal et tout ça. Donc, oui l’humour est bien un moyen prolifique pour atteindre les jeunes.
Est-ce que vous trouvez que votre humour conduit à des changements positifs de mentalité à Madagascar ?
Je n’ai pas les moyens d’en mesurer les impacts et d’en juger si ça marche ou pas, mais en tout cas, je vais toujours dans ce sens-là et j’essaie toujours de proposer. « Proposer », c’est sûrement le terme adéquat. Je propose des changements de mentalité. Je propose des façons de voir les choses autres que celles que notre éducation ou notre société nous impose. J’ai envie de briser les tabous, de chambouler les cases, de renverser la dictature de la mentalité malgache. Il y a des visions et des jugements qui m’épuisent et que j’essaie de piétiner et de dissoudre à coup de dérision et d’autodérision aussi.
Je fais beaucoup d’autodérision d’ailleurs. Je ne sais plus qui a dit que « l’autodérision est la noblesse de l’humour ». Par l’autodérision, je peux parler sans complexe de mes défauts. J’assume par exemple souvent le fait que j’ai un œil qui dit merde à l’autre, je louche. Et dans cette autodérision, je m’accepte en acceptant mes défauts. Et j’ai eu des retours qui m’ont énormément touché, de personnes qui, grâce à mon autodérision et à l’assurance que j’ai fait passer, sont devenus eux aussi plus confiants et qui ont décidé de briser leurs complexes. Et ils me racontent ça en message privé et je trouve que c’est le plus bel aboutissement de cette aventure. C’est ma plus grande réussite. Et je suis très content de pouvoir rendre des personnes, que je ne connais pas, plus heureuses, plus épanouies.
Vous touchez plus les femmes ou les hommes ?
 Les femmes, vraisemblablement, à 90% si l’on en croit les statistiques réelles de Facebook sur ma page. Certainement parce que je suis ce qu’on pourrait appeler, avec toute la modestie du monde, « un humoriste de charme », comme les chanteurs de charme (rires). Les femmes sont plus réceptives à mon humour et à ma personnalité. Et elles ont plus de facilité à l’avouer. Les hommes, du moins une très grande partie, reconnaissent mon humour et ma personnalité, mais assument moins le fait de les apprécier.
Linda Karine